29 avril 2024

leun2trois.com

Comprendre pour informer pour rendre compte de ce qui se passe dans le monde

Tchad Theophile Bebzoune Bongoro

Présidentielle au Tchad : face à Déby Itno, l’opposition veut s’unir

STRATÉGIE. Le président sortant va devoir compter avec une opposition opiniâtre. Son chef de file désigné : Théophile Bebzoune Bongoro.

L’atmosphère se tend à N’Djamena à l’approche du 11 avril, jour où les Tchadiens iront voter pour choisir un président. Samedi, la police a dispersé manu militari plusieurs manifestations de partis de l’opposition qui avaient préalablement été interdites et, lundi, quatorze opposants arrêtés ce jour-là ont été incarcérés et seront jugés notamment pour « troubles à l’ordre public ». Par ailleurs, Succès Masra, leader du parti Les Transformateurs et l’un des opposants les plus virulents au régime du président Bédy Itno, ainsi que dix de ses partisans, s’étaient réfugiés samedi sur le parvis de l’ambassade des États-Unis pour échapper à des policiers. Cinq d’entre eux, dont Succès Masra, se trouvaient encore, lundi soir, « dans le périmètre de sécurité » de la représentation américaine, mais ils n’ont pas « formellement demandé l’asile politique », a indiqué à l’AFP une représentante de l’ambassade. Leur objectif : empêcher Idriss Déby Itno, le président sortant, de briguer un sixième mandat. Après ces derniers jours de tensions dans les rues de la capitale qui doit bientôt accueillir le sommet du G5 Sahel, l’opposition s’est organisée plus officiellement.

Théophile Bebzoune Bongoro, nouveau chef de file de l’opposition

Résultat : quinze partis d’opposition ont désigné, mardi, un candidat unique à l’élection présidentielle, face au sortant Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans et investi par son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS) pour briguer un sixième mandat. Il s’agit de Théophile Bebzoune Bongoro, 55 ans, un néophyte en politique, choisi par les chefs des quinze mouvements, à la surprise générale, par neuf voix contre cinq pour le favori et opposant le plus connu à Idriss Déby Itno, Saleh Kebzabo. Ces partis, réunis pour l’occasion à N’Djamena, avaient créé le 2 février une coalition, l’Alliance Victoire, et promis de désigner un seul candidat et un seul programme contre le chef de l’État sortant. « Nous souhaitons que la transmission du pouvoir se fasse de manière démocratique par les urnes », a déclaré Théophile Bongoro à l’issue de sa désignation. « Il ne s’agit ni d’une fusion, ni d’un regroupement de partis, ni d’une coalition de partis, mais d’une alliance électorale dénommée Alliance Victoire. En adhérant à ce manifeste, chaque parti signataire renonce à présenter à titre individuel un candidat à la présidentielle », ont déclaré les douze signataires, parmi lesquels Saleh Kebzabo et Mahamat Ahmat Alabo, deux ténors de l’opposition.

Théophile Bongoro, un notaire qui n’a jamais participé à une élection, quelle qu’elle soit, a créé en 2018 son propre mouvement politique, le Parti pour le rassemblement et l’équité au Tchad (PRET). Saleh Kebzabo était arrivé deuxième de la présidentielle de 2016 avec 12,8 % des voix. « Le processus démocratique de cette élection vient d’avoir lieu au niveau de l’opposition, au niveau de l’Alliance Victoire. On en prend acte et on continue », a-t-il déclaré à l’AFP.

Idriss Déby droit dans ses bottes

Samedi, Idriss Déby Itno a été investi comme candidat à sa propre succession. Ce militaire de carrière, récemment promu maréchal par l’Assemblée nationale que le MPS domine largement, dirige le Tchad d’une main de fer et sans partage depuis qu’il a pris le pouvoir par les armes en 1990 en renversant Hissène Habré avec le soutien de la France. Idriss Déby, âgé de 68 ans, est considéré par les grandes puissances comme un allié essentiel dans la lutte contre le djihadisme au Sahel et un élément stabilisateur dans la région, alors que son pays est entouré d’États aussi faillis que la Libye, la Centrafrique ou le Soudan. L’armée tchadienne fournit aux Casques bleus de l’ONU au Mali l’un de leurs principaux contingents et passe pour la plus aguerrie des participants à la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). « Si l’émotion d’être investi candidat à une élection présidentielle est toujours forte, celle que je ressens aujourd’hui a une portée plus grandiose », a déclaré Idriss Déby Itno, devant les militants de son parti, le MPS. « Permettez-moi, mes frères et sœurs, de vous dire que c’est après une mûre et profonde introspection que j’ai décidé de répondre favorablement à cet appel, cet appel du peuple », a-t-il poursuivi, après avoir été désigné candidat par acclamation par les membres de son parti. Durant son discours d’investiture, il a déclaré vouloir « endiguer le terrorisme et l’insécurité en vue de permettre à notre pays de poursuivre sa marche sur la voie de l’émergence ». Réélu depuis toujours au premier tour, le président tchadien est accusé de fraudes électorales par l’opposition.

L’union de l’opposition pas encore effective

Cependant, comme lors des dernières élections, l’opposition ne sera pas totalement rangée derrière Théophile Bongoro, puisque Romadoumngar Nialbé Félix, président de l’Union pour le renouveau et la démocratie (URD), principale force d’opposition à l’Assemblée nationale avec huit députés, a été récemment investi par son parti pour être candidat. Alladoum Djarma Balthazar pour le parti Action socialiste tchadienne pour le renouveau (ASTRE), et Djimasngar Nasra, à la tête du mouvement Un nouveau jour, tous deux novices en politique, sont également candidats. Et le mouvement de Laokein Kourayo Medar, arrivé en troisième position en 2016, tout comme Les Transformateurs du jeune opposant Succès Masra, n’ont pas rejoint l’Alliance Victoire. Les candidatures doivent être déposées officiellement à partir du 13 février. L’élection présidentielle d’avril sera suivie des législatives, fixées au 24 octobre 2021, après avoir été maintes fois reportées depuis 2015.

Par Le Point Afrique