Le secrétaire d’État américain Antony Blinken multiplie les visites sur le continent Africain. Jeudi 16 mars, il était à Niamey, au Niger, où il s’est entretenu avec le président Mohamed Bazoum. Il a été question de coopération économique et militaire dans ce pays du Sahel, région en proie à la violence jihadiste et où la Russie marque des points. Le ministre nigérien des Affaires étrangères Hassoumi Massaoudou est notre invité. Il est au micro d’Alexandra Brangeon.
RFI : Jeudi 16 mars, Antony Blinken était en visite au Niger, c’était la première visite d’un secrétaire d’État américain en plus de quarante ans dans votre pays. Comment vous l’interprétez ?
Hassoumi Massaoudou : C’est vraiment un témoignage que nous recevons comme un témoignage de solidarité, d’amitié et de considération pour notre pays. Et cela prouve la qualité exceptionnelle de la relation que nous avons avec les États-Unis.
Antony Blinken a d’ailleurs qualifié le Niger de modèle dans la région…
Évidemment, nous sommes un pays qui est démocratique, stable, dans un environnement chaotique. Et nous faisons chaque jour preuve d’une grande résilience face à l’agression terroriste, à la dégradation de la situation sécuritaire dans le Sahel. Malheureusement, nous sommes les seuls et nous aurions souhaité ne pas être les seuls, ce qui nous donne des responsabilités supplémentaires, parce que nous devons prouverque seul le modèle démocratique est l’alternative crédible pour pouvoir vaincre le terrorisme.
Il a été question, lors de cette rencontre, de coopération militaire justement, pour lutter contre le terrorisme. Les Américains sont déjà présents au Niger. Est-ce qu’il est prévu un renforcement de cette coopération militaire ?
D’abord, nous avons cette coopération militaire de manière assez ancienne avec les États-Unis, mais elle est montée en puissance ces dernières années. Les États-Unis qui, effectivement, à travers leur implantation dans la base aérienne d’Agadez, nous donnent une aide importante en matière de renseignements, pas à nous seulement mais à tous nos partenaires de la région. Deuxièmement, les États-Unis forment nos bataillons des forces spéciales. C’est les premiers à avoir fait ce type de formations et à avoir donné l’exemple aux autres sur la nécessité de transformer notre armée par la multiplication des bataillons des forces spéciales qui ont fait leurs preuves sur le terrain. Et troisièmement, les Américains nous donnent des équipements sur le plan aérien – des C-30, des Cessna –, du renseignement, des moyens blindés, des véhicules blindés et tout ça. La participation des Américains à cette guerre est une aide inestimable pour nos soldats.
Alors justement, est-ce qu’il est question de plus de moyens déployés par les Américains ?
Oui, il est toujours question de plus de moyens bien sûr, aussi bien sur le plan militaire que sur le plan civil. Mais je voudrais signaler qu’à ce jour, l’engagement américain sur les trois dernières années dépasse les 1 000 milliards de francs CFA, et ça ne fait que monter en puissance. Donc, les Américains s’inscrivent dans la durée de la coopération avec notre pays, aussi bien sur le plan militaire que civil.
Alors jusqu’à présent, la menace terroriste était concentrée à la frontière avec le Mali, elle s’est propagée à toute la frontière avec le Burkina Faso et le Bénin. Est-ce que cette coopération sécuritaire avec les Américains va s’étendre à cette nouvelle zone ?
Mais la menace terroriste, nous savons très bien qu’elle va s’intensifier avec le départ des Français au nord Mali et, avec l’effondrement du front au niveau du Burkina Faso, il va de soit que cette menace est étendue, mais de manière moins importante à la frontière du Burkina. La coopération avec les États-Unis au-delà de la sécurité, elle se fait à notre demande, quelle que soit la zone, quel que soit l’endroit. Mais avec les États-Unis, nous avons une conception holistique de cette guerre, elle ne se limite pas à l’aspect militaire, il y a eu une montée en puissance de l’aide américaine à travers le retour d’abord de l’USAID et la montée des investissements. Tout cela participe en réalité de la volonté de renforcer la résilience de notre pays face au choc terroriste et au choc climatique.
L’administration américaine a indiqué qu’elle souhaitait s’engager davantage sur le continent pour y contrer l’influence de la Russie. Est-ce que vous avez discuté avec Antony Blinken de l’avancée de la milice paramilitaire Wagner dans la sous-région ?
Nous avons discuté de manière générale des questions du recul démocratique dans notre sous-région et, partageant ces mêmes valeurs avec les États-Unis, nous nous organisons pour que le soutien à l’expérience nigérienne fasse école et qu’elle soit un modèle et qu’elle se démultiplie en Afrique. Donc résister contre le recul démocratique dans notre région, c’est faire en sorte que, par notre exemple, nous puissions faire valoir le développement et l’avancée démocratique dans notre région et en Afrique.
Depuis le putsch au Burkina Faso, plusieurs pays de la sous-région craignent l’arrivée de Wagner à Ouagadougou. Est-ce que vous en avez parlé avec votre homologue ?
Nous considérons tous que Wagner est une organisation criminelle qui participe au recul de la démocratie dans notre pays, donc par conséquent, évidemment nous en avons parlé. En ce qui concerne le Burkina Faso, rien n’est prouvé jusqu’ici qu’ils ont eu un accord avec Wagner. Nous espérons qu’ils ne prendront pas cette trajectoire et qu’ils s’en tiendront au plan de sortie de la transition signé avec la Cédéao.
Le président français, Emmanuel Macron, a indiqué qu’il fallait que la présence militaire française soit moins visible dans cette lutte antiterroriste. Est-ce que la France est toujours un allié solide, ou est-ce que les Américains sont en train de prendre la place des Français ?
Les Américains et les Français ont toujours été nos alliés en même temps, ce sont des alliés importants, tout aussi indispensables et nécessaires les uns que les autres. Je vais vous dire une chose, c’est que cette guerre, c’est d’abord nous qui la menons. Qu’il s’agisse des Français ou des Américains, ils nous aident dans la guerre que nous menons, ils ne font pas la guerre à notre place. Ces différents partenaires, aussi essentiels soient-ils, ne sont qu’un appoint pour nous dans cette guerre.
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Publié le : 17/03/2023 – 08:29
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