29 avril 2024

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Ousmane Sonko - Bassirou Faye

Ousmane Sonko, le nouveau Premier ministre du Sénégal

Le nouveau président de la République du Sénégal a nommé Ousmane Sonko comme Premier ministre. Ce dernier est chargé de proposer au chef de l’état la liste des ministres qui seront chargés de mener à bien les politiques définis par Bassirou Diomaye Faye.

Cette nomination est intervenue dans la soirée du jour de l’investiture de M. Faye comme cinquième président de la République du Sénégal.

Un choix qui n’a pas surpris les observateurs puisque les deux sont cofondateurs du parti dissous Pastef, socle de la coalition qui a porté Bassirou Diomaye Faye au pouvoir.

‘’Je mesure l’importance et la confiance placée en moi en me nommant Premier ministre, c’est-à-dire l’autorité en charge de la coordination des actions gouvernementales. C’est une lourde responsabilité’’, a réagi Ousmane Sonko à sa nomination avant de donner rendez-vous dans les prochaines heures pour dévoiler les nouveaux membres de son gouvernement.

Cette nomination de l’ex chef de l’opposition sénégalaise au poste de premier ministre, est le dernier chapitre d’un long parcours parfois tumultueux, qui l’a conduuit à être radié de la fonction publique et à passer plusieurs mois en prison.

Une libération surprise en pleine campagne électorale

C’est dans la nuit de jeudi 14 mars qu’il a été libéré, déclenchant des scènes de liesse de ses partisans sortis en masse pour l’accueillir.

L’opposant n’est pas le seul à bénéficier de cette libération, le candidat présenté par son ancien parti et ses alliés, Bassirou Diomaye Faye a également été élargi de prison.

L’avocat de M. Sonko (Bamba Cisse) a confirmé la libération de l’homme politique et de son candidat à la présidence, Bassirou Diomaye Faye.

Dans les rues de Dakar, on peut voir des foules exultant de joie et scandant le nom de M. Sonko.

Pourquoi Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye sont-ils libérés maintenant ?

Cette libération d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye intervient en pleine campagne électorale pour la présidentielle qui doit se tenir dans moins d’une dizaine de jours.

Les deux leaders politiques ont bénéficié de la loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale sénégalaise. Une volonté du président Macky Sall d’apaiser l’espace politique sénégalais. Le pays a été secoué ces dernières années par de violentes manifestations.

La loi d’amnistie couvre « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non ».

Cette libération avait d’ailleurs été avancée avant l’heure par le patron de média et proche de Macky Sall, Madiambal Diagne.

Ousmane Sonko a été disqualifié pour se présenter lui-même au scrutin désormais fixé au 24 mars, à la suite d’une condamnation pour diffamation.

Qui est Ousmane Sonko, le nouveau Premier Ministre du Sénégal ?

Ousmane Sonko, inspecteur des impôts et domaines a connu en quelques années une ascension politique fulgurante. De fonctionnaire radié, il devient député à l’Assemblée nationale, puis maire de la ville de Ziguinchor.

De fonctionnaire radié de la fonction à principal opposant ?

Il y a de cela 10 ans, il était encore inconnu du grand public.

C’est sa radiation de la fonction publique qui l’a révélé. C’était le 29 Aout 2016. « Monsieur Ousmane Sonko. Inspecteur des Impôts et des Domaines principal de 2° classe 2° échelon, matricule de solde n°604.122/1, est révoqué sans suspension des droits à pension pour manquement à l’obligation de discrétion professionnelle prévue à l’article 14 de la loi n°61-33 du 15 juin 1961» indique le décret de révocation signé du président Macky Sall.

Cette sanction pour manquement au devoir de réserve fait suite à une série de déclarations faites par l’inspecteur des impôts et domaines quelques mois plus tôt.

A maintes reprises, il a dénoncé ce qu’il affirme être des scandales de détournements de deniers publics ou d’avantages fiscaux indus, impliquant des personnalités du pouvoir.

Cependant, Ousmane Sonko nie toute violation du secret professionnel.

Il précise s’exprimer en tant que chef de parti politique et évoque une disposition de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), qui oblige tous les fonctionnaires à dénoncer toutes malversations financières dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur fonction.

Qu’en est-il de sa carrière politique ?

Ousmane Sonko a officiellement créé son parti politique, Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF) en 2014 alors qu’il était toujours fonctionnaire. Mais, c’est sa radiation, en 2016, qui a contribué à le propulser sur la scène politique.

L’année suivante, en 2017, il prend part aux élections législatives et est élu député à l’Assemblée nationale.

Deux ans plus tard, en 2019, Ousmane Sonko présente sa candidature à la magistrature suprême. Il arrive à la troisième place avec 15,76 % de voix. Il est devancé par Macky Sall, le président sortant qui est réélu pour un second mandat et l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, président du parti REWMI. Ce dernier a par la suite rejoint la coalition au pouvoir, et est actuellement Président du Conseil Économique, Social et Environnemental.

En janvier 2022, le président du PASTEF est élu maire de Ziguinchor, ville située au Sud du pays.

Pour financer les activités de son parti, M. Sonko opte pour le financement participatif. Sa dernière campagne de levée de fonds lancée mi-janvier, a mobilisé plus de 300 millions de francs CFA en 24 h, une première pour un parti politique au Sénégal.

En juin 2024, Ousmane Sonko est arrêté et placé sous mandat de dépot.

Son parti le PASTEF (Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, L’Ethique et la Fraternité), est dissous par le Ministère de l’Intérieur. Les motifs invoqués sont les appels fréquents des dirigeants et des instances de PASTEF à l’insurrection, selon le communiqué publié par les autorités sénégalaises.

Sa candidature à l’élection présidentielle de 2024 est fianelement rejetée en raison d’une condamnation pour diffamation.

Ousmane Sonko désigne Bassirou Diomaye Faye comme candidat de subsititution. Un choix qui s’avère payant puisque ce dernier devient le premier opposant à gagner une élection présidentielle dès le premier tout avec 54,28 %.

Une carrière entachée par une affaire de viol

Depuis mars 2021, l’homme politique est inculpé pour viols et menaces de mort, à la suite d’une plainte d’une employée d’un salon de massage, Adji Raby Sarr. Il réfute toute accusation de viol et crie au complot.

M. Sonko se dit victime d’une tentative de liquidation politique, organisée par le régime en place, pour l’empêcher de se présenter à la présidentielle de 2024.

Mais des membres du parti au pouvoir rejettent catégoriquement cette accusation.

L’affaire dite «Adji Sarr-Sonko» lui a valu la levée de son immunité parlementaire pour les besoins de l’enquête.

Convoqué et sur le chemin du tribunal son convoi est bloqué par les forces de l’ordre. Son arrestation et son placement sous garde à vue, a d’ailleurs suscité une vague de violences meurtrières au cours desquelles 14 jeunes ont perdu la vie.

Au cours de ces manifestations de mars 2021, plusieurs enseignes françaises ont été saccagées. Ousmane Sonko est relâché par la suite, puis mis sous contrôle judiciaire.

Condamné à 2 ans ferme pour “corruption de jeunesse”

L’opposant sénégalais a refusé de se présenter à son jugement pour viol qui s’est tenu le 23 mai 2023. Jugement pendant lequel les témoins et son accusatrice ont défilé devant la barre jusque tard dans la nuit.

Ousmane Sonko explique son absence du tribunal par sa volonté de désobéissance civique. Il décide donc de se retrancher dans le sud du Sénégal, à Ziguinchor, ville dont il est le maire.

usmane Sonko est condamné en juin 2023 à deux ans de prison ferme pour “corruption de la jeunesse” assortis d’une amende de 600 000 FCFA, par la Chambre criminelle de Dakar.

Quelques jours auparavant, M. Sonko avait annoncé son retour à Dakar. Il avait lancé ce qu’il appelle une “caravane de la liberté”, un cortège qui l’aurait mené de Ziguinchor à Dakar par la route, à travers quelques grandes villes du pays.

La marche a été interrompue par les forces de défense et de sécurité après des affrontements notés entre les FDS et ses partisants.

Ousmane Sonko a été brièvement arrêté puis amené manu militari à son domicile à Dakar. Il dénonce un kidnapping, tandis que les autorités affirment qu’il a été encadré pour éviter des troubles à l’ordre public.

La tension était à Dakar où des domiciles et des véhicules d’hommes politiques ont été mis à feu, depuis son arrestation et son assignation à domicile.

Une condamnation pour diffamation qui lui coûte sa candidature à la présidentielle de 2024

Une autre affaire judicaire a opposé l’homme politique à Mame Mbaye Niang, ministre sénégalais du Tourisme, qui a porté plainte contre M. Sonko pour diffamation.

En effet, Ousmane Sonko avait déclaré au cours d’une conférence de presse que l’ex-ministre de la Jeunesse et de l’emploi a été épinglé par un rapport de l’IGE (l’Inspection générale d’Etat) pour détournement de fonds dans l’affaire dites des 29 milliards de Francs CFA du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (PRODAC).

Un rapport dont le ministre de tutelle conteste l’existence.

Entre temps, M. Sonko est revenu sur ses propos en précisant que le rapport dont il est question est issu de l’inspection Générale des Finances (IGF) plutôt que de l’Inspection Générale d’État (IGE).

Deux autres motifs d’inculpation se sont ajoutés à celle de la diffamation par le parquet: injures publiques et faux et usage de faux.

Après plusieurs renvois, le verdict est tombé ce 30 mars, en l’absence du prévenu.

Ousmane Sonko est condamné en première instance à 2 mois de prison avec sursis et 200 millions FCFA de dommages et intérêts à payer à Mame Mbaye Niang.

Le juge l’a relaxé pour les délits de faux et usage de faux, ainsi que d’injures publiques.

Suite à cette décision du tribunal, le parquet et le ministre Mame Mbaye Niang ont annoncé leur décision de faire appel.

La peine est infirmée en appel et Ousmane Sonko est de nouveau condamné à six mois de prison avec sursis et 200 millions FCFA de dommages et intérêts.

Les avocats de Sonko ont introduit un pourvoi en cassation.

Si ce verdict est maintenu, il pourrait rendre M. Sonko inéligible à la prochaine élection présidentielle prévue en février 2024 à laquelle il a déjà annoncé sa candidature.

Le code électoral sénégalais à l’alinéa 3 de l’article 29 prévoit la non possibilité d’être inscrit sur la liste électorale en cas de condamnation à une peine de trois mois sans sursis ou à une peine d’emprisonnement d’emprissonnement supérieure à six mois avec sursis.

Mais après un long feuilleton judiciaire, un tribunal de Dakar a ordonné jeudi 14 décembre 2023, la réintégration de Sonko sur les listes électorales, ouvrant ainsi la voie à sa candidature à l’élection présidentielle du 25 février 2024.

Cette condamnation pour diffamation est d’ailleurs brandie par le Conseil constitutionnel pour écarter M. Sonko à la course au fauteuil présidentiel.

Ses relations avec la France…

«On a été dépeints comme étant des anti-français notoires»

Depuis ses toutes premières sorties publiques, Ousmane Sonko a toujours affiché des positions antagonistes à l’égard des relations qu’entretiennent la France et le Sénégal.

Dans ses discours, le leader de l’ex-PASTEF incarne une volonté de changement dans ces rapports entre les deux pays tant au niveau économique, que politique.

«Nous n’avons rien contre la France, ni contre aucun autre pays. Nous avons un discours qui peut gêner parce que c’est un discours qui appelle à une rupture dans les relations. Il y a des traditions séculaires entre le Sénégal et la France mais ces traditions sont assises également sur des relations qui ne sont pas totalement roses pour le Sénégal. Nous sommes au XXIème siècle, le monde est en train de changer », soutient-il lors d’une interview accordée à nos confrères de France Médias Monde.

Pourquoi est-il populaire auprès des jeunes ?

Âgé de 48 ans, Ousmane Sonko se veut l’incarnation d’une alternance générationnelle de la classe politique sénégalaise et un nouveau modèle d’homme politique.

Il s’exprime plus sur les réseaux sociaux que les médias conventionnels.

Ses dénonciations de fraudes fiscales, ses récurrentes révélations sur les présumées gabegies de l’État et son discours antisystème et nationaliste trouvent écho favorable chez beaucoup de jeunes sénégalais.

Même si ses détracteurs qualifient son discours de populiste, le leader de l’ex-PASTEF est adulé par une partie d’une jeunesse frustrée par les inégalités économiques et sociales, et qui constitue plus de la moitié de la population sénégalaise.

Par Adja Aicha Senghor et Papa Atou Diaw, BBC Afrique