28 avril 2024

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keneth Kaunda

Afrique(s) : Les grands entretiens partie 2/3

Collection produite par l’Ina et Temps Noir.

Trop longtemps l’Afrique n’a eu ni visage, ni parole, ni mémoire. Sa seule histoire était celle qu’écrivaient à sa place ceux qui l’avaient fait souffrir et qui l’avaient pillée : des récits de peuples sauvages qu’il fallait éduquer, de dictatures écrasées de soleil, de catastrophes humanitaires. Comme si l’Afrique n’était pas encore assez adulte pour parler de sa propre voix. Comme si elle ne pouvait pas se dire, se raconter et nous révéler elle-même sa profonde identité.

Un proverbe africain dit : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur. » Les entretiens de la collection Afrique(s) racontent pour la première fois l’histoire du continent africain « du point de vue des lions ». En donnant la parole aux grands acteurs qui, de près ou de loin, ont pris part à son réveil, cette collection donne à tous l’occasion de découvrir une autre face de notre histoire commune, une autre histoire du 20ème siècle…

Passé familial et enfance

En 1904 mon père était l’un des jeunes missionnaires noirs, formé ou éduqué à la mission Livingstone qui a été envoyée un peu partout pour aller voir ce qu’on pouvait faire pour aider à répandre la parole du Seigneur.Mon père a été envoyé là où je suis né, la Mission Lubwa, je n’étais pas là à l’époque !Quand il y est allé, il enseigné pendant 3 mois.Le chef local, en fait le dirigeant local de la région, a beaucoup aimé son message.Donc, après 3 mois, en juillet 1904 donc, il lui a demandé : «Mon cher frère, j’aime ce que vous enseignez ici.Je voudrais que vous retourniez là d’où vous venez et que vous vous mariiez, et que vous reveniez ici pour continuer à enseigner cela à mon peuple ».Donc il était content.Il est retourné au Nyassaland, plein de forêts, de terres, de léopards, de serpents, de cobras, pas de ponts et donc plein de crocodiles, d’hippopotames.Tous ces animaux étaient là mais malgré cela il est retourné à la mission des missionnaires.Là-bas, il a rencontré les missionnaires et leur a dit ce qui s’était passé, ça leur a plu.Un an après, en 1905, il a été renvoyé chez ce chef qui avait aimé son message avec une femme, ma mère.Ils y sont retournés.Ils ont d’abord eu une fille en 1907.Un fils est né en 1912.Une fille est né en 1914.Certains enfants sont morts.Une autre fille est née en 1921.En 1924, ce garcon-ci est né.Voilà comment je suis né, voilà comment je suis arrivé sur terre.J’étais le dernier-né.En 1932 mon père est mort et mon oncle est venu du Nyassaland – le Malawi aujourd’hui – pour venir nous chercher, pour nous prendre en charge puisque son beau-frère, mon père, était parti.Donc quand il est arrivé, il est venu voir le chef parce qu’il savait combien notre famille était proche du chef.Il a dit « Regardez, je voudrais prendre mes neveux et nièces avec moi».Le roi a dit « Regardez, l’homme dont vous voulez emmener les enfants était un frère pour moi.Ma tâche est de m’occuper de ses enfants et de sa femme, alors s’il vous plaît retournez là d’où vous venez et si vous voulez prendre sa bicyclette, ok, je vous le donne.Si vous voulez l’une de ces armes, ça va.Mais vous ne prendrez pas les enfants ».Voilà comment nous sommes restés.Il a pris la bicyclette, il a pris une arme et il est parti.C’est mon oncle.Nous sommes restés.En 1934, il est mort à son tour.Mais un autre est arrivé [incompris].Le premier était, comment dire…Le premier était beaucoup plus petit [incompris] et ensuite celui qui est arrive était un gars immense, un homme immense et il était appelé [incompris].Il a dit aussi mon frère a gardé cette famille.Je vais continuer à le faire.Ce sont mes frères et soeurs.Nous sommes restés.Celui d’après, je crois que c’étairt en 1937, le chef permanent est passé au royaume bemba, la place centrale.C’était le territoire des Bemba.Là, il a continué à diriger mais l’homme qui est venu ensuite a été décisif aussi à propos de la façon dont on allait s’occuper de nous.Donc on nous a fait rester.Entre temps, j’étais à l’école.En 1939, lorsque la guerre a commence en Europe, j’avais 16 ans, et j’étais désireux de rejoindre la guerre mais mon frère a dit « Non, j’y vais seul, tu ne peux pas venir, nous deux »

La religion

La religion était très importante, ainsi que mon éducation.La religion a grandement influencé ma vie.Comment influe-t-elle sur ma pensée ?L’enseignement « Aime Dieu notre créateur, avec ton Coeur, de toute ton âme, avec tout ton esprit, avec toute ta force », c’est cela qui nous relie à Dieu notre créateur.Il a créé tous les êtres humains à son image : tous les êtres humains, qu’ils soient blancs, noirs, jaunes ou autres.Ils sont sa création.Beaucoup de tribus, de races sont sa création.Que dit-il ?Il nous apprend : aime ton prochain comme tu t’aime toi-même.Comment fait-on cela ?En faisant aux autres ce que tu aimerais qu’ils fassent pour toi.Cet enseignement est extrêmement important et ici sur terre, si nous pouvons tous comprendre la signification de ceci, nous pouvons aller loin en créant les conditions de la paix à travers les forces de l’amour.Nous étions 73 tribus indigènes locales ici, et quand de nouvelles sont arrivées, la tribu anglaise, la tribu irlandaise, la tribu écossaise, la tribu française, la tribu portugaise, la tribu boer – toutes ces tribus sont arrivées – la tribu indienne, la tribu pakistanaise, en Zambie, nous nous sommes dit « nous sommes maintenant 80 tribus, et nous sommes beaucoup de couleurs.Comment faire ?»Nous nous sommes souvenu de l’enseignement «Aime ton prochain» et c’est ainsi que nous avons commencé ce qui s’est appelé la devise «une Zambie, une nation».N’importe où, un dirigeant s’exclame « une Zambie » et le reste répond « une nation ».Tous nous nous voyons comme des Zambiens.C’est ainsi que nous avons maintenu la paix dans notre pays, en acceptant le coeur de la religion.Le coeur de la religion est extrêmement important, particulièrement parce que dans ces anciennes tribus dont nous parlons, certaines étaient chrétiennes, d’autres étaient musulmanes, d’autres juives.Nous continuions à nous voir comme une Zambie, une nation, selon l’enseignement du Seigneur.Voici comment la religion a influencé ma pensée et je pense «notre» pensée ici, je devrais dire : pas seulement moi mais mes collègues aussi,dans cette lutte pour l’indépendance, nous avions tous la même approche.

Parcours scolaire et universitaire

Kenneth Kaunda

J’ai fait mon parcours, ce qu’on appelle le niveau 6, puis je suis passé au niveau 8, et puis c’était tout.Dans tout le pays, il y avait 200 000 blancs qui avaient beaucoup d’écoles, de cliniques, d’hôpitaux, mais pour nous il n’y avait qu’une école secondaire pour garçons et une école secondaire pour filles.Et j’ai été envoyé, après que j’ai fait mon niveau 6, on m’a envoyé continuer mes études à l’école pour garçons à Munali.Je suis allé là-bas.J’ai fait deux ans, j’ai terminé et je suis rentré à la maison.Mais avant cela, après le niveau 6, j’ai suivi l’entraînement de mes professeurs pendant 2 ans.Comme je l’ai dit, j’ai rencontré le révérend Maxwell Robertson qui avait créé de nouvelles conditions d’enseignement et l’influence ecossaise.C’est donc ainsi que j’ai reçu mon enseignement supérieur parce que c’est tout ce qu’il y avait.Et je suis retourné ensuite à l’enseignement après la période de Lusaka, à Munali.Il n’y avait pas d’université ici, à part ces deux écoles secondaires, une pour les garçons et une pour les filles.Elles n’allaient vraiment pas loin, seulement aux niveaux 7 et 8 pour les garçons en 1941, 1943.Pour les filles, je crois que c’était la même chose.Puis, quand nous nous sommes battus et que nous avons gagné, c’est là que nous avons commencé à bâtir les institutions.En 1964 nous sommes devenus indépendants, en 1965 nous avons commencé à construire, pardon, en 1966, nous avons commencé à construire une université.C’était la première en Zambie.Nous avons fini par avoir une éducation gratuite parce que les gens étaient très pauvres et nous avions besoin de plus d’écoles.Pendant les 70 années de contrôle britannique, nous avions seulement 100 diplômés de l’université.Parmi eux, seulement 3 étaient médecins.70 ans de contrôle britannique !Il y avait environ 1200…ce qui s’appelle éducation «tous niveaux», c’est-à-dire quand vous terminiez l’école secondaire.Il n’y en avait que 1200 en 64-65.Donc, voilà à quel point l’éducation était inférieure sous le contrôle colonial, le contrôle britannique.Ce que nous avons fait ensuite, c’est que bien sûr nous avons construit des écoles, chaque district avait de nouvelles écoles.Nous avons développé des universités de formation dans beaucoup de parties du pays.Nous avons formé des médecins, des infirmières, partout.C’était donc quelque chose dont nous étions fiers parce que nous avions grandi sans rien : il n’y avait rien avant, quand nous étions jeunes