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Keneth Kaunda

Afrique(s) : Les grands entretiens partie 1/3

Collection produite par l’Ina et Temps Noir.

Trop longtemps l’Afrique n’a eu ni visage, ni parole, ni mémoire. Sa seule histoire était celle qu’écrivaient à sa place ceux qui l’avaient fait souffrir et qui l’avaient pillée : des récits de peuples sauvages qu’il fallait éduquer, de dictatures écrasées de soleil, de catastrophes humanitaires. Comme si l’Afrique n’était pas encore assez adulte pour parler de sa propre voix. Comme si elle ne pouvait pas se dire, se raconter et nous révéler elle-même sa profonde identité.

Un proverbe africain dit : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur. » Les entretiens de la collection Afrique(s) racontent pour la première fois l’histoire du continent africain « du point de vue des lions ». En donnant la parole aux grands acteurs qui, de près ou de loin, ont pris part à son réveil, cette collection donne à tous l’occasion de découvrir une autre face de notre histoire commune, une autre histoire du 20ème siècle…

La Zambie avant l’ère coloniale

La Zambie, avant le contrôle britannique, était dirigée par ce que vous appelez des «chefs» ici.Ces gens étaient les chefs de diverses tribus et ce sont eux qui dirigeaient avant que les Britanniques n’arrivent ici.Il y avait des chefs permanents, c’était les rois dans différentes tribus.Dans ma région, le roi était le chef Chitimukulu.Dans la province de l’est, le chef permanent des Ngunis était [incompris].A l’Ouest il y avait le chef des Lozis.C’était divisé en différents groupes : voilà comment le contrôle était organisé.

Kenneth Kaunda

Cecil Rhodes

Cecil Rhodes était…Je crois qu’il est venu pour exploiter, il est venu pour exploiter les ressources en Rhodésie du Sud et Rhodésie du Nord.Il s’est mis dans la position où il distribuait différentes parties de la Rhodésie du Sud, différentes parties de la Rhodésie du Nord à un certain nombre de personnes, des hommes d’affaires blancs qui voulaient travailler avec lui.Il a fait cela et c’est ainsi que la plupart des Noirs de la Rhodésie du Sud, le Zimbabwe d’aujourd’hui heureusement, ont été expulsés des zones où il les avait trouvés.Ils ont été expulsés vers des zones de type désertique ou montagneux où il était difficile de vivre.Il a fait cela, et c’est la première partie de son action.La seule chose qu’il faut dire, qu’il a faite et qui était bien, c’est qu’il a réussi, je crois, à arrêter les Portugais qui reliaient l’Angola et le Mozambique.Il a arrêté cela, il l’a bloqué.Il a également bloqué la connexion du Tanganyika et de la Namibie aujourd’hui – le territoire nord-est la Namibie aujourd’hui -, le Tanganyika qui était aussi une colonie allemande.La Namibie était aussi une partie de la zone allemande, donc un soldat allemand, un général, essayait de traverser la Zambie et relier le Tanganyika et la Namibie, en occupant aussi la Rhodésie du Nord de l’époque.On peut dire que c’est la seule chose positive pour l’Afrique qu’il ait faite.Il a arrêté la connexion des deux puissances coloniales dans le pays : le Tanganyika et la Namibie pour l’Allemagne, l’Angola et le Mozambique pour le Portugal.Il a fait ça, il l’a bloquée en créant la Rhodésie du Sud et la Rhodésie du Nord ici, au coeur de l’Afrique.Il a forcé les gens à partir de leurs terres, qui étaient de bonnes terres, qui étaient justement établis, et les a déplacés dans les montagnes ou dans le désert du Kalahari en Rhodésie – le Zimbabwe d’aujourd’hui.Il les a quand même laissées entre les mains des chefs, les dirigeants, là où il ne voulait pas ou ne pouvait pas toucher à tout le territoire.Donc je dirais que c’est ce qu’il a fait mais ce n’est pas quelque chose qui me réjouit, mais c’est arrivé, et je suis seulement en train d’évoquer l’histoire et ce qui s’est passé à cette époque.C’était assez clair qu’il y avait une différence entre ce qui se passait ici en Rhodésie du Nord et ce qui se passait en Rhodésie du Sud.La différence était qu’il a commencé à distribuer la terre, à diviser la terre entre différentes personnes, et il la leur a fait payer : en fait il vendait ces bouts de terre à d’autres personnes comme si c’était sa propriété.Il ne l’a pas fait ici parce qu’il n’a pas récupéré autant de terre qu’en Rhodésie du Sud.

Le protectorat britannique

Le système administratif, c’est qu’ils ont amené des officiers de la colonie, les officiers coloniaux depuis l’Angleterre.Ils sont venus ici et ils ont été répartis dans différentes zones, qu’ils ont organisées en districts.Dans chaque province ils ont établi des districts, dans chaque province quelques districts.Ceux qui avaient été envoyés dirigeaient maintenant différentes zones, c’est eux qui le faisaient.Donc, nous avons commencé à être dirigés par le gouvernement britannique au lieu des chefs, qui étaient encore là mais bien sûr les chefs étaient sous le contrôle de ces officiers de Londres, tandis qu’au Zimbabwe un homme était en charge et distribuait la terre aux différents propriétaires.Les nouveaux dirigeants ont utilisé nos chefs pour contrôler les différentes terres qu’ils dominaient.Voici ce qui se passait : l’inverse de ce qui se passait en Rhodésie du Sud où là, comme je l’ai dit plus tôt, les terres étaient distribuées aux différents colons par Cecil Rhodes.Bien, ils ont commencé à extraire et quelques compagnies sont venues ici et ont commencé creuser des mines, et je suis sûr qu’il y avait encore des mines là-bas quand nous avons pris le pouvoir.Quand nous sommes devenus indépendants, les mines étaient encore là.Les mines, à l’époque, étaient contrôlées par ceux qui avaient investi.Les propriétaires des mines contrôlaient ces mines.Ce qui s’est passé c’est que, bien sûr, l’argent pour ce qu’ils avaient trouvé, ils ont tout vendu.Ils ont amassé de l’argent de cette manière et ils ont gardé l’argent à l’étranger, et en ont apporté seulement une petite partie pour payer les travailleurs et quelques autres outils mais pas beaucoup.Voilà comment cela a continué à circuler.Ils ont extrait le cuivre, ils ont traité le cuivre, ils ont envoyé ces produits dans leurs pays, ils les ont vendus là-bas.Le résultat, le cuivre lui-même, était vendu.L’argent était gardé dans leurs banques et leur propriété.Le résultat de tout cela bien sûr a été un désastre pour la Zambie et l’est encore aujourd’hui.Quand nous sommes arrivés aux affaires, nous avons changé les choses mais ceux qui ont repris le pouvoir sont retournés vers ce qui se passait, ils ont accueilli cela, ils appréciaient cela pour quelque raison que ce soit.

Les mineurs Noirs

Si nous parlons des années 40, il y avait deux groupes : il y avait les mineurs blancs et les mineurs noirs.Naturellement, les mineurs blancs étaient bien mieux traités que leurs homologues noirs.Cela a continué à être le cas jusqu’à ce qu’arrive le moment où nous devions changer la situation.Ce n’était pas facile parce que nous ne parlons pas de la période où nous sommes devenus indépendants.Avant cela, l’exploitation du travailleur noir était dans de très très mauvais termes.Par conséquent, bien que les mineurs noirs aient leur propre syndicat, ils n’étaient pas en mesure de faire ce que les mineurs blancs avaient fait parce qu’il y avait de la discrimination raciale.Avant tout les salaires, les paiements des noirs n’étaient même pas appelés salaires, on appelait ça des gages, ça montre bien la condition !Les salaires pour les mineurs blancs.De pauvres logements comme je l’ai dit, pas d’éducation, pas de services de santé.Et donc la principale querelle venait de cette situation dans les mines, et par conséquent on ne pouvait pas s’attendre à ce que les travailleurs noirs jouissent des mêmes droits que les travailleurs blancs, du tout.

La Seconde Guerre mondiale

C’était en 1939, j’avais à peu près 16 ans.Il y avait beaucoup de propagande contre les Allemands, sur à quel point ils étaient méchants, pourris, et comment nous devions nous battre ensemble pour nettoyer cette domination.Oui, je me souviens que beaucoup de jeunes ont rejoint la guerre, mon frère a rejoint la guerre.Je voulais m’engager mais mes parents ont dit non.Ma mère a dit « Non, tu ne peux pas y aller.Ton frère c’est déjà bien assez, alors n’y va pas ».Donc je n’y suis pas allé, mais beaucoup d’autres y sont allés.Ils se battaient en Ethiopie, en Somalie et en Birmanie, je crois à cause de l’engagement du Japon.Et ils se battaient et ils sont revenus avec une certaine ouverture d’esprit sur la situation, mais quand même ils n’étaient pas considérés comme il fallait.Le plus haut grade auquel ils accédaient est je crois sergent major de régiment, major, oh pardon, sergent seulement.Donc c’était soit sergent, sergent major, précisément dénommé «sergent major de régiment».C’étaient les grades qu’ils obtenaient.Et donc, ce n’était pas très heureux.Le reste des grades étaient en général pour les blancs.Mais je devrais ajouter, comme je l’ai dit, qu’à cause de la Birmanie avec l’engagement japonais, certains ont dû aller se battre là-bas, contre l’occupation japonaise, ou dans ces zones-là.Donc c’était une triste guerre, triste mais il y avait des combats et nous avons participé.On nous a dit que les Allemands étaient mauvais et par conséquent nous devions les combattre alors nous nous sommes levés et battus, battus, battus.Voilà ce qui s’est passé.La seule chose dont j’ai bénéficié dans cette guerre, c’est que mon frère a rapporté une guitare…Et il m’a appris à en jouer, c’est la seule chose dont je me souviens et qui était bien…Il est revenu, je crois, très gravement frappé par la pauvreté, la pauvreté et les mauvaises conditions.Il n’y avait rien à clamer sur cette guerre, rien.Peut-être la seule chose, quand les gens sont revenus de la guerre, ils étaient un peu plus bavards sur leurs conditions de vie.C’est la seule chose.C’est une amélioration quand vous pensez qu’ils ont pu parler des choses terribles qu’ils ont subies quand ils sont partis.

L’Afrique du Sud et l’apartheid

Quand l’apartheid a été lancé en Afrique du Sud, je ne peux pas dire que nos conditions ici étaient meilleures à cause de toutes les choses affreuses qui se passaient.Dans toute la Rhodésie du Nord il y avait 3 millions de personnes à l’époque, à peine plus de 200 000 colons blancs.Ils avaient beaucoup plus d’écoles et pourtant il n’y avait qu’une seule école pour filles noires, appelée [Spembi] et une seule école noire pour les garçons, Munali.C’étaient les écoles que nous avions : deux écoles pour 3 millions de personnes.Et 200 000 personnes avaient beaucoup plus d’institutions dans l’éducation, en particulier tellement d’écoles et elles étaient toutes occupées.Donc, vraiment c’était de la discrimination partout.Donc, il s’est passé que l’apartheid est arrivé en Afrique du Sud en 1948.Nous ne pouvions pas nous attendre à pire que ce que nous avions déjà ici donc je crains que que nous n’ayions pas vu du tout la situation de [incompris] comme un signe de développement pour l’Afrique.Cela allait encore être le commerce perpétuel des esclaves comme sous les colons en Rhodésie mais cette fois ci en Afrique du Sud où l’apartheid a été établi, en Afrique du Sud.Non, il n’y avait aucun espoir pour nous, aucun.