19 avril 2024

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Policiers antiémeutes et contestataires se sont affrontés dans la capitale guinéenne

Policiers antiémeutes et contestataires se sont affrontés dans la capitale guinéenne, Conakry. | CELLOU BINANI / AFP

Guinée : Sept morts par balle dans les manifestations anti-junte, selon l’opposition

Une manifestation contre la junte militaire arrivée au pouvoir après le coup d’État de 2021 a dégénéré en heurts. Sept personnes ont été tuées par balle et une trentaine d’autres ont été blessées.

Les manifestations de mercredi 10 mai 2023 en Guinée contre la junte au pouvoir ont tué sept personnes et fait plus de 30 blessés par balle, a annoncé le collectif d’opposition qui les a organisées malgré une médiation religieuse en cours.

Les autorités guinéennes, jointes mercredi soir pour confirmer et infirmer le bilan donné par les Forces vives de Guinée, collectif formé de partis, de syndicats et d’organisations de la société civile, étaient injoignables.

Le collectif a annoncé « l’assassinat de sept citoyens par balle et de 32 blessés par balle dont 13 cas graves », dans un communiqué donnant « un bilan provisoire » transmis mercredi soir à l’AFP. Il fait également état de « 56 arrestations » et « appelle à la poursuite des manifestations pacifiques et citoyennes ce jeudi 11 mai », dans ce communiqué.

Les affrontements ont fait au moins huit blessés parmi les manifestants et deux dans les rangs des forces de l’ordre, avait auparavant indiqué à l’AFP une source médicale qui a réclamé l’anonymat par crainte pour sa sécurité.

Manifestation de l’opposition à Conakry le 10 octobre 2022. CELLOU BINANI

Les Forces vives de Guinée ont appelé le 3 mai à une reprise des manifestations contre la junte au pouvoir depuis 2021 avec une série de protestations à Conakry et dans le pays à partir de mercredi, dans un pays où ces dernières sont souvent meurtrières.

Des groupes de jeunes très mobiles ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre qui répliquaient en lançant des gaz lacrymogènes dans plusieurs quartiers de la capitale. Des témoins ont rapporté auprès de l’AFP des manifestations également à Labé (nord) et à Nzérékoré (sud-est).

Les Forces vives réclament l’ouverture d’un dialogue crédible en vue d’un retour rapide des civils à la tête du pays, la levée de l’interdiction de toute manifestation instaurée par la junte en 2022 et la libération de leurs membres emprisonnés ainsi que l’arrêt de ce qu’elles dénoncent comme un « harcèlement » judiciaire exercé par les autorités.

Parmi les revendications figure la libération de trois figures de la société civile, Oumar Sylla, alias Foniké Mangué, Ibrahima Diallo et Mamadou Billo Bah.

La junte affirme vouloir dialoguer

Les manifestations reprennent alors que des chefs religieux tentent une médiation entre le collectif et la junte qui a renversé le président Alpha Condé en 2021.

La junte a libéré trois opposants emprisonnés depuis le début de l’année. | JOHN WESSELS / AFP

La junte s’est dite prête à libérer Foniké Mangué, Ibrahima Diallo et Mamadou Billo Bah et à lever les mesures de contrôle judiciaire imposées à un certain nombre d’opposants, a indiqué la médiation dans un communiqué. Les avocats des trois hommes ont cependant rapporté que la junte conditionnait leur libération à un abandon de leur engagement de leur part, ce qu’ils ont refusé.

Le Premier ministre guinéen Bernard Gomou a réaffirmé mercredi la disposition de la junte à discuter avec l’opposition lors d’une rencontre internationale sur l’eau à Conakry.

« Le gouvernement s’efforce de répondre dans le respect des procédures légales à toutes les exigences des mouvements politiques et sociaux. Mais certains parmi eux refusent d’intégrer le cadre de dialogue inclusif » prôné par la junte, a-t-il déclaré à la tribune.

M. Gomou a balayé les accusations de « blocage » visant les autorités. « Je m’inscris en faux (contre ces allégations). Les médiateurs, les religieux, peuvent attester des efforts de notre bonne foi. Ces appels à manifester sont vraiment regrettables et les commanditaires en sont les seuls responsables », a-t-il ajouté.

Les militaires se sont engagés sous pression internationale à rendre la place à des civils élus d’ici à fin 2024, le temps de mener de profondes réformes, disent-ils.

Ibrahima Diallo estime avoir été victime d’une détention arbitraire

Aujourd’hui, Ibrahima Diallo attend avec impatience ce procès. Il est poursuivi pour « participation à un attroupement interdit et pillages », entre autres. Des charges retenues contre lui et ses camarades, suite à l’organisation de plusieurs manifestations pro-démocratie en juillet 2022.

« Oui, nous souhaitons que le procès se tienne parce que nous sommes innocents, et même s’il y a condamnation au cas où, la condamnation ne peut pas dépasser six mois », explique-t-il à notre correspondant à Conakry, Moktar Bah.

Ibrahima Diallo estime avoir été victime d’une détention arbitraire, après avoir passé 10 mois de prison, sans jugement. Il affirme qu’il va porter plainte contre l’État guinéen. Devant une juridiction locale, mais aussi sous-régionale, à la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). 

En attendant, « il est plus que jamais utile de continuer le combat pour la liberté, pour les droits de l’homme et pour la démocratie dans notre pays, quelque soit le prix à payer », dit le responsable du FNDC.

Le barreau de Guinée proteste également contre ce qu’il qualifie de « dysfonctionnement de la justice »: « Le barreau de Guinée, en guise de protestation contre les dysfonctionnements relevés, déclare le lundi 15 mai 2023 journée sans audiences sur toutes l’étendue du territoire national », a déclaré Me Mamadou Souaré Diop, bâtonnier de l’ordre des avocats.

Ce boycott des audiences va interrompre aussi le procès des évènements du 28 septembre en cours depuis 8 mois.

Par Ouest France avec RFI