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J.J. Rawlings

Dieu bénisse notre patrie Ghana?

Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020. Pierre René-Worms

Deux candidats, connus pour détester perdre, se font face, à Accra. Le sortant est donné gagnant, mais il en faut davantage, pour que le challenger, ex-président lui-même, jette l’éponge. L’ancienne Gold Coast est entre le meilleur et le pire…

RFI : Au Ghana, l’ancien président, déclaré vaincu, peine à admettre sa défaite. Et pourtant, souvent, vous avez évoqué, ici, la démocratie ghanéenne comme une expérience irréversible, non seulement en Afrique de l’Ouest, mais sur tout le continent. La « Black Star » serait-elle donc  en train de pâlir ?

Jean-Baptiste Placca : S’il détient quelque preuve que ce soit de sa victoire, John Dramani Mahama ferait mieux de la dévoiler au plus tôt, pour soulager son peuple. Sans quoi, il devra bien admettre sa défaite. Afin que le Ghana se préserve, dans cet espace ouest-africain, où la tentation du moindre effort démocratique semble si contagieuse que les cancres, de plus en plus, trônent dans le paysage, sans détonner. Il suffit de si peu, pour que les élections frauduleuses, les présidences à vie, et même, pourquoi pas, le parti unique, deviennent la norme.

Dans l’analyse de ce qui pose problème, pour le moment, dans la présidentielle ghanéenne, deux facteurs essentiels sont à prendre en compte. D’une part, pourquoi le cacher, à Accra, Akufo-Addo et Dramani Mahama ne sont pas les deux plus beaux joueurs de la classe politique.

En clair, ils n’acceptaient pas loyalement la défaite…

Il y en a eu, qui ont accepté plus loyalement les revers, voire même la défaite. Le candidat de son parti, le NPP, pour succéder au président John Kufuor en 2008, dont le ministre des Affaires étrangères était Nana Akufo-Addo, espérait tellement la victoire qu’il fallait lui rappeler fermement l’ordre de il renonce et accepte d’empêcher les Ghanéens de subir des violences post-électorales du type habituellement offert par leurs voisins. Kufuor est toujours là qui, s’il avait eu la moindre preuve de la défaite de son poulain, lui aurait rappelé ses obligations patriotiques.

Il y a quatre ans, John Dramani Mahama, président sortant, battu par Akufo-Addo, a bien tenté de jouer les Donald Trump avant l’heure. Jerry J. Rawlings, dont il avait été le ministre, lui avait alors rappelé que l’image du Ghana ne pouvait souffrir de tels caprices. Et, bon gré mal gré, il avait dû rendre son tablier. Ainsi, pour la première fois depuis le retour de la démocratie pluraliste, en 1992, un président sortant était battu après son premier mandat. A cause, notamment, des contre-performances économiques, doublées d’une spectaculaire dépréciation de la monnaie nationale, le cedi qui, sous son mandat, a perdu près de 40% de sa valeur.

Faut-il donc croire que le Ghana, depuis, a échappé aux accidents politiques et autres cataclysmes économiques ?

Le pays n’a, en tout cas, rien connu qui puisse justifier que les Ghanéens congédient brutalement leur président. Son éventuelle réélection, si elle venait à être validée, ne serait donc pas très surprenante.

Mais, plus que jamais, nous savons que les démocraties sont fragiles, et ne peuvent survivre aux périodes troubles que grâce à des institutions stables. Si les Américains semblent si sereins quant au fait que Donald Trump, le 21 janvier prochain, aura quitté la Maison Blanche, quoi qu’il arrive, c’est en raison de la solidité des institutions. Dans chacun des deux partis qui dominent la vie politique au Ghana, Jerry J. Rawlings et John Kufuor faisaient office de statue du commandeur. Le premier aurait dû, aujourd’hui, raisonner Mahama, mais il s’en est allé, le mois dernier. Dans ce pays, un des rares, en Afrique, à invoquer Dieu dans son hymne national, il ne reste donc plus qu’à espérer voir le ciel indiquer à chacun le chemin du bien et le sens de l’honneur.

Par: Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI