29 avril 2024

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RDC : l’université d’Édimbourg choisit Debora Kayembe comme rectrice

PORTRAIT. Née à Kinshasa et installée en Écosse, Debora Kayembe est désormais à la tête de l’une des plus prestigieuses universités du Royaume-Uni.

À 45 ans, et plus de 16 ans après avoir fui la République démocratique du Congo, l’avocate spécialiste des droits de l’homme Debora Kayembe s’apprête à devenir le 1er mars prochain rectrice de la prestigieuse université d’Édimbourg. Elle a été élue début février pour trois ans. C’est la première fois qu’une personnalité noire, issue de l’immigration (et la troisième fois une femme) va occuper ce poste. Une petite révolution pour cette institution, fondée au XVIe siècle.

Un parcours semé d’embûches

Cela fait plus de 16 ans que Debora Kayembe Buba a fui sa République démocratique du Congo natale dans des conditions rocambolesques. Après des études de droit à l’université libre de Kinshasa, cette quarantenaire très sensible aux affres de l’inégalité qui frappe son pays s’engage et devient militante des droits de l’homme entre ses stages aux Nations unies et son barreau qu’elle effectue à Matadi, dans la province du Bas-Congo. Au bout de ce premier cursus, elle s’oriente vers le droit international. Mais très vite, elle est remarquée pour son activisme, alors qu’une autre plaie sévit en RDC, la corruption. C’est ainsi qu’elle plonge dans les dossiers liés à la lutte contre la corruption. Recherchée par un groupe armé, elle fuit son pays in extremis pour le Royaume-Uni en 2005 et parvient même à contribuer à démasquer ses poursuivants. Depuis ce temps-là, l’avocate et linguiste aujourd’hui âgée de 45 ans a demandé l’asile au Royaume-Uni, fondé une famille et s’est installée en Écosse (son diplôme d’avocate n’est pas reconnu en Angleterre, NDLR), à Édimbourg, où la militante politique s’est spécialisée dans les dossiers de droits humains.

Lutte contre le racisme : l’Écosse n’est pas une exception

Malgré son parcours, elle estime que rien ne l’avait préparée à se voir proposer de prendre la tête de l’université d’Édimbourg. En novembre dernier, elle avait été approchée pour savoir si elle envisagerait d’accepter le poste, jamais occupé par une personne noire. Elle a accepté, tout en pensant que ses chances étaient minces. Sa nomination l’a laissée sans voix. « C’est quelque chose que ne n’avais jamais imaginé », confie à l’AFP Debora Kayembe. « C’est quelque chose que je n’ai jamais cherché, c’est arrivé sur un plateau. » Plusieurs mois avant sa nomination, elle s’était retrouvée mêlée à un conflit qu’elle avait d’abord voulu éviter. Elle avait déjà été victime de racisme auparavant en Écosse. Mais les attaques ont atteint leur paroxysme en juin dernier, en pleine mobilisation mondiale contre le racisme après la mort de George Floyd, Américain noir mort lors de son arrestation par la police aux États-Unis. Debra Kayembe se rendait en voiture à un rendez-vous professionnel quand sa voiture a violemment quitté la route. En inspectant le véhicule, elle s’est rendu compte que des clous avaient été mis sur les quatre pneus de sa voiture. « Les fois précédentes, je pouvais dormir tranquille », explique-t-elle. « Parfois, il faut faire le dos rond et laisser passer les choses, mais ce qui m’est arrivé ce jour-là est inacceptable. »

Elle a raconté ce qui s’était passé sur les réseaux sociaux. Mais plutôt que de chercher la confrontation, elle a choisi d’adopter un message de tolérance et de dialogue avec ses agresseurs. « Je leur ai dit : écoutez, ces choses font partie du passé », explique-t-elle. « On a dépassé ça, si vous ne comprenez toujours pas, il va falloir que l’on dialogue. C’était ça, mon message. Rien d’autre. » Peu de temps après, sa fille est revenue de l’école en larmes, une enseignante lui avait demandé de faire une danse d’esclave devant ses camarades de classe. Après des explications avec l’école, elle a lancé une pétition pour que le Parlement écossais s’attaque d’urgence au racisme dans le système éducatif. Le Parlement a accepté, la question sera débattue dans les mois qui viennent.

C’est justement le message de dialogue et de tolérance qui a attiré l’attention de l’université d’Édimbourg, qui compte parmi ses anciens étudiants Premiers ministres, Prix Nobel et athlètes olympiques. « Ils m’ont dit qu’en tant que rectrice de l’université, mon message ira loin et que le monde entier écoutera », rapporte-t-elle. « C’est pour ça que nous voudrions que vous preniez le poste », ont-ils ajouté.

Fierté nationale

Selon Debora Kayembe, née à Kinshasa et élevée par son oncle médecin, sa famille en RDC a été submergée d’émotion en apprenant la nouvelle. « Il y a un sentiment de fierté nationale, ils attendent la cérémonie inaugurale cet été pour venir en Écosse voir ça de leurs propres yeux », raconte-t-elle. Sa priorité après son installation le 1er mars sera de s’assurer que l’université attire « les esprits les plus brillants en Écosse » pour l’aider à se remettre après le coronavirus. La pandémie a eu pour vertu d’ouvrir les possibilités d’enseignement à distance, une opportunité pour l’Afrique, selon Debora Kayembe. Membre du barreau congolais depuis 2000, elle n’est pas retournée dans son pays depuis qu’elle a fui. Là-bas, sa vie est toujours menacée. Elle espère pouvoir grâce à son poste de rectrice promouvoir un meilleur enseignement pour le continent. « L’Afrique a besoin de l’éducation, de la meilleure éducation », souligne-t-elle, « mon rôle sera de m’assurer que ce soit tout en haut de l’agenda ».

 Par Le Point Afrique (avec AFP)