29 avril 2024

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L’échevin PS d’Ixelles Bea Diallo

L’échevin PS d’Ixelles Bea Diallo : “C’est peut-être le moment pour apporter toute l’expertise que la Belgique m’a donnée”

Le premier échevin socialiste de la commune d’Ixelles Bea Diallo démissionne de sa fonction. Le belgo-guinéen, ex-champion de boxe, qui un moment avait imaginé se présenter à l’élection présidentielle en Guinée, décide de remettre son mandat pour accepter le poste de ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement de transition de Guinée. Invité sur le plateau du JT de la RTBF, il explique à Laurent Matthieu ce virage radical dans son parcours.

Bea Diallo avait été champion de Belgique et du Benelux des poids moyens et champion intercontinental IBF (International Boxing Federation) de 1998 à 2004. Il a été député du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale de 2004 à 2019 et échevin de la commune d’Ixelles depuis 2006.

Parcours de gamin révolté

Bea Diallo qui se définit comme “un gamin très violent” et “assez révolté” par le racisme et la montée du Front national en France quand il était jeune rappelle que la boxe a changé sa vie en lui permettant de “canaliser son énergie pour en faire une vraie force positive“.

Son père opposé à la pratique de ce sport a conditionné sa poursuite d'”études sérieuses“, qui lui ont finalement permis d’entrer en politique dans les années 2000 avec un parcours enviable au sein du Parti socialiste bruxellois : député bruxellois, échevin ixellois, bourgmestre faisant fonction…

Un parcours que Bea Diallo considère avec satisfaction aujourd’hui : il estime qu’il a pu ainsi apporter “une vision différente de la politique”, “sincère”, “au niveau du terrain”, “une nouvelle dimension“…

Mais surtout il souligne qu’il était “un des premiers subsahariens élus en Belgique” et de montrer que cette intégration par la politique peut fonctionner.

Le potentiel du continent africain

Lors des dernières élections communales, Bea Diallo a même triplé son score personnel, avec presque 2800 voix. Mais aujourd’hui, il décide de quitter son poste de premier échevin à Ixelles pour devenir ministre de la Jeunesse et des Sports en Guinée.

A ses électeurs qui pourraient se sentir abandonnés, il leur répond : “C’est vrai, j’ai beaucoup réfléchi. C’est une grande responsabilité. […] On dit que l’avenir c’est l’Afrique. Mais quand je vois ces gamins désespérés en Afrique qui n’ont envie que d’une chose, c’est de quitter leur continent, prendre un bateau pour mourir en Méditerranée, être esclave en Libye, arriver en Europe et galérer pendant des années sans documents, être en centre fermé, parfois avoir un vrai visa pour venir étudier et être bloqué. A un moment donné, c’est hyper révoltant quand je vois le potentiel qu’il y a dans le continent.”

“C’est vrai quand j’ai discuté énormément avec ceux qui sont arrivés au pouvoir et qu’on m’a proposé d’y aller, c’était compliqué. J’ai beaucoup réfléchi et je me suis dit : ‘C’est peut-être le moment pour apporter toute l’expertise que la Belgique m’a donné pour aller contrairement à ce que certains font, construire des murs, moi je veux aller là-bas pour permettre à ces jeunes de venir en Europe, en vacances, comme les Européens vont en Afrique et rentrent chez eux parce qu’ils ont un travail, un avenir dans leur pays d’origine.”

Un gouvernement issu d’un coup d’Etat militaire

Le chef de l’État Alpha Condé a été renversé par le colonel Mamady Doumbouya. Le coup d’Etat de septembre a fait un nombre indéterminé de vies humaines, les médias faisant état d’une dizaine à une vingtaine de morts. Le gouvernement auquel Bea Diallo va participer est issu d’un coup d’Etat militaire qui a été condamné par de nombreux pays dont la Belgique.

Quelles garanties a-t-il quant au processus démocratique en cours en Guinée ? “Tous les coups d’Etat sont condamnés. Je fais partie des gens qui ont dit que c’était inadmissible.”

Mais le nouveau ministre guinéen justifie sa participation au gouvernement d’union nationale et de transition guinéen mis en place par le président par intérim, le colonel Mamady Doumbouya, par un autre coup d’Etat constitutionnel, celui de l’ancien président Alpha Condé, réélu en octobre pour un troisième mandat controversé.

“Les militaires se sont dit à un moment ça suffit, on ne peut pas continuer à tuer nos gamins, à tuer nos parents. Il faut qu’on prenne nos responsabilités ; et quand ils ont pris le pouvoir, ils ont rassemblé toute la société civile, en leur disant, on a envie de construire quelque chose avec vous, c’est ce qui m’a séduit”.

Un pouvoir plus civil que militaire, insiste Bea Diallo, qui affirme qu’il participera à ce gouvernement de transition tant qu’il respecte sa feuille de route, soutenue par la communauté internationale et l’Union européenne.

Pour Bea Diallo, cette nouvelle expérience était “un rêve“, celui d’aider son pays d’origine, contribuer à son développement, un rêve qui se terminera un jour.

Quand ? Le gouvernement de transition ne se fixe aucune limite, mais Bea Diallo estime son mandat à 15 mois, deux ans ou trois ans. Un parcours à suivre, donc.

Par Jean-François Herbecq rtbf