29 mars 2024

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La polygamie

"Prendre une deuxième femme, c'est augmenter tes problèmes"

”La polygamie est venue pour résoudre des problèmes sociaux”

Mariage : La polygamie est un sujet de société à propos duquel les avis sont souvent tranchés : on est pour ou contre. Le Niger ne fait pas exception, pays majoritairement peuplé de musulmans dont la religion permet la polygamie sous certaines conditions.

“Je ne dis pas que la polygamie est quelque chose à interdire. Mais une certaine polygamie est une mauvaise chose. Et vous pensez qu’on ne doit pas en parler ?  Ma responsabilité, c’est d’en parler et je prends le risque de le dire et je l’assume.”

Ces propos du président nigérien Mohamed Bazoum prononcés le 13 mai 2022 lors de la journée de la femme nigérienne, ont relancé le débat sur la pratique de la polygamie bien au-delà des frontières du pays.

Bien qu’antérieure à l’islam, elle est souvent associée à cette religion. Pour le prédicateur Abdoul Fatahou Mamoudou, “la polygamie est là avant l’islam, elle s’exerçait dans le désordre. Et l’islam est venu pour la restructurer. Vous voulez vivre avec plusieurs femmes ? Je vous apporte une solution et dans quelles conditions vous devez vivre avec ses épouses.”

La polygamie est un sujet de société à propos duquel les avis sont souvent tranchés : on est pour ou contre. Le Niger ne fait pas exception, pays majoritairement peuplé de musulmans dont la religion permet la polygamie sous certaines conditions.

“Je ne dis pas que la polygamie est quelque chose à interdire. Mais une certaine polygamie est une mauvaise chose. Et vous pensez qu’on ne doit pas en parler ?  Ma responsabilité, c’est d’en parler et je prends le risque de le dire et je l’assume.”

Ces propos du président nigérien Mohamed Bazoum prononcés le 13 mai 2022 lors de la journée de la femme nigérienne, ont relancé le débat sur la pratique de la polygamie bien au-delà des frontières du pays.

Bien qu’antérieure à l’islam, elle est souvent associée à cette religion. Pour le prédicateur Abdoul Fatahou Mamoudou, “la polygamie est là avant l’islam, elle s’exerçait dans le désordre. Et l’islam est venu pour la restructurer. Vous voulez vivre avec plusieurs femmes ? Je vous apporte une solution et dans quelles conditions vous devez vivre avec ses épouses.”

Abdoul Fatahou Mamoudou, prédicateur

Que dit le Coran à propos de la polygamie ?

C’est dans le verset 3 de la sourate “Les femmes” que le sujet de la polygamie est principalement abordé : “Et si vous craignez de n’être pas justes envers les orphelins,… Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de ne pas être justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez. Cela, afin de ne pas faire d’injustice… “

Le Coran autorise la polygamie sous certaines conditions et ne l’impose pas.

D’ailleurs des pays du monde musulman comme la Tunisie et la Turquie ont aboli purement et simplement la polygamie.

 En 2017, L’Emir de Kano, région située dans le nord du Nigeria, Muhammadu Sanusi II, a voulu introduire une loi pour empêcher les hommes de prendre plus d’une femme s’ils n’ont pas les moyens de les entretenir.

Dans un discours  M. Sanusi avait déclaré qu’un lien entre la polygamie, la pauvreté et le terrorisme a été établi.

Pour le prédicateur Abdoul Fatahou Mamoudou, “la polygamie est venue pour résoudre des problèmes sociaux. Les femmes elles-mêmes, elles le savent. Ce n’est pas la polygamie qu’il faut interdire. Ce sont les polygames irresponsables là qu’il faut corriger.”

“Prendre une deuxième femme, c’est augmenter tes problèmes”

Ces mots sont de Tahirou, producteur dans l’audiovisuel. Il vit et travaille dans la région du Fleuve, à Tilabér, une ville située à un peu plus de 110 km de la capitale Niamey.

 A la question pourquoi il a épousé plusieurs femmes, il invoque la tradition et la religion : “Chez nous la polygamie c’est une tradition, c’est aussi notre culture quand on parle de religion…Mon père, mon grand-père, mes frères, nous sommes tous polygames.”

Soli Abdoulaye l’économiste 

 Un autre aspect que relève Tahirou est lié au statut social du polygame dans sa société : “Aussi, c’est une fierté parce que quand tu as plusieurs épouses tu te sens respecté par la communauté.”

 Tahirou dit regretter d’avoir plusieurs épouses : “Si tu as une femme, tu achètes un pagne. Tu as deux femmes, ça sera doublé. Tu as trois femmes, c’est pire. Aujourd’hui, par exemple, moi je ne peux pas compter sur mon salaire pour satisfaire mes femmes.”

 “Aujourd’hui, je vous ai dit que j’ai seize enfants et si je ne fais rien, que vont devenir ces enfants ? Ils seront dans la rue et c’est ce qui amène beaucoup de gens à voler ou bien à faire n’importe quoi.”

En plaidant pour une polygamie responsable, le président nigérien Mohamed Bazoum a indiqué que les données sur la pauvreté et la démographie galopante doivent être interrogées.

Pour l’économiste Soli Abdoulaye, même en l’absence d’études et de données sur une corrélation entre polygamie et pauvreté, il n’en demeure pas moins que le lien économique est établi : “La polygamie est un fait social, qui est vécu par des êtres humains, ces êtres humains étant aussi des acteurs économiques. Quand on parle de polygamie, on parle exactement de la coutume musulmane, n’est-ce pas ? Alors quand vous avez une femme, c’est déjà une charge.”

En effet, dans la religion musulmane, c’est à l’époux que revient intégralement le devoir de nourrir, vêtir, loger et satisfaire aux besoins sexuels de son épouse.

 “Alors voyez-vous, s’il prend une seconde femme, donc ça veut dire que sa charge double et si elle double, économiquement, l’homme va ressentir cela surtout s’il est fonctionnaire par exemple, avec un salaire fixe.”

 “Quand vous avez, n’est-ce pas la force de prendre cinquante kilos de riz sur votre tête et qu’on vous charge cent kilos naturellement, même si vous faites quelques pas, à un moment, vous allez jeter ou vous allez vous effondrer”, conclut l’économiste.

 Le président Bazoum déplore une polygamie irresponsable qui bafoue la dignité de la femme nigérienne et ternit l’image du pays : “Je connais de très nombreuses personnes qui n’ont pas un revenu, qui n’ont pas de quoi vivre, qui vivent au jour le jour mais qui ont plusieurs femmes, qui font plusieurs enfants. Et l’aberration, vous voyez là où ça nous a conduit, c’est qu’à un moment donné, tu maries une femmes et tu lui dis ‘vas mendier en Algérie, vas mendier au Sénégal’. Est-ce une bonne façon de traiter une femme ?”

Justement, et les femmes dans tout cela ?

Elle s’appelle Adama Zourkaleini Maiga.  Elle est divorcée deux fois et  mère de deux enfants.

Ses deux mariages ont été avec un homme polygame, par choix : “La polygamie, je dirais surtout dans ma famille, ce n’est pas un statut très connu. Mais je me rappelle le jour où j’avais décidé d’opter pour la polygamie, mes tantes étaient effrayées. Elles se demandaient mais pourquoi ? Est-ce que je n’avais pas peur à mon âge ? Pourquoi un homme polygame alors que je pouvais avoir des célibataires et tout ? Mais j’avais choisi de faire l’aventure. Les histoires de maîtresse, les histoires d’enfants illégitimes et tout…”

 Elle dit ne pas vouloir se faire d’illusion, surtout dans le contexte socioculturel dans lequel elle vit : “Si aujourd’hui j’ai un homme à qui on demande de signer monogamie ou polygamie, je vais lui conseiller de signer polygamie parce qu’on va finir dans ça, donc autant qu’on le signe.”

 Cette position, aux antipodes de celle de la majorité de ses amies, lui vaut le sobriquet de “voleuse de mari”.

 Pour Adama, l’un des principaux avantages de la polygamie qu’elle a eu à découvrir est la possibilité pour la femme d’avoir du temps pour se consacrer à son bien-être : “Ici, on a un système de rotation…y en a qui choisissent une nuitée, à tour de rôle. Et il y en a aussi qui choisissent par deux jours, donc voilà. Les deux jours-là, franchement, c’est comme un week-end pour moi. Les deux jours-là te permettent d’avoir du temps pour toi même, du temps pour tes enfants, du temps pour te faire belle, pour te préparer à accueillir ton mari pour tes prochaines nuitées. On est en mode séduction, on est en mode voleuse.”

Mais elle se veut claire, elle n’est pas contre la monogamie : “Toute femme, si elle peut trouver un mariage monogame, elle le fera. Si aujourd’hui je peux avoir un homme à moi, un homme célibataire, je le prendrais, pourquoi pas ? Et si demain il veut prendre une autre femme, je l’accepterai pourquoi pas ? Ça ne va pas vraiment me déloger, au contraire, ce sera un soulagement.”

 Toutefois, dans son cas, elle sait que ce ne sera pas chose aisée : “Quand une femme est mariée, divorcée, elle a du mal à se remarier avec un homme célibataire et ça, ça fait partie des inégalités. Parce qu’un homme divorcé n’a aucun problème pour se marier avec une femme qui ne s’est jamais mariée. Mais pourquoi ?”

bbc