29 avril 2024

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la Grande muraille verte

Au Sahel, la Grande muraille verte, le projet de reboisement pour freiner l’avancée du désert, reste embryonnaire

A dix années de l’échéance, seulement 4% des territoires concernés ont été reboisés. Le One Planet Summit veut relancer la dynamique, malgré un contexte sécuritaire très défavorable.

Le One Planet summit pour la Biodiversité, qui se déroulait à Paris le 11 janvier 2021, rassemble Chefs d’Etat, organisations internationales, ONG, institutions financières et autres. L’ambition est de prendre des engagements concrets afin de préserver ou restaurer la biodiversité de la planète. Au cœur des débats, il s’agit notamment de relancer la Grande muraille verte, ce que certains qualifient “d’éléphant blanc”, une utopie qui ne verra jamais le jour.

Projet pharaonique

Le projet est il est vrai colossal. L’objectif est de revégétaliser, d’ici à 2030, 100 millions d’hectares dans le Sahel, sur une bande de 7 500 km de long et 15 km de large parcourant le continent d’Ouest en Est, du Sénégal à Djibouti.

“Une mosaïque d’arbres, de prairies, de végétation et de plantes pour restaurer les terres dégradées et aider les habitants de la région à produire une nourriture adéquate, à créer des emplois et à promouvoir la paix”, annonce enthousiaste le site dédié des Nations unies. Une arme pour contrer la désastreuse avancée du désert. La réalisation de cette muraille, ambitionne le projet, doit transformer la vie de 100 millions d’habitants, créer dix millions d’emplois verts et, aspect non négligeable, piéger 250 millions de tonnes de carbone.

L’idée a été lancée en 2007 par une poignée d’Etat africains, ensuite renforcée par l’Union africaine et la communauté internationale. Mais le rapport d’étape, présenté en septembre 2020 par les Nations unies, n’est guère encourageant. Le journal Le Monde parle même de “mirage sahélien”. A peine 4% de l’objectif prévu pour 2030 a été atteint. Soit 4 millions d’hectares de terre aménagés sur les 100 millions du programme, dont la moitié réalisée par la seule Ethiopie et son ambitieux programme de reboisement.

Constat d’échec

La vision très utopiste s’oppose dès le départ à la réalité du terrain. Sur les onze Etats membres de l’agence panafricaine qui porte le projet, dix font partie des Etats les moins avancés de la planète. Hormis le Sénégal et l’Ethiopie qui font figure de leaders, les autres Etats ont peu investi. En clair, l’argent manque et il faut compter sur un financement international pour mener à bien le projet.

Si on retient pour définir les territoires concernés les précipitations moyennes (entre 100 et 400 mm par an), la zone s’élargit à 150 millions d’hectares. Les pays les plus concernés sont le Niger, le Mali, le Nigeria et le Burkina Faso. Des pays en proie à une insécurité constante qui ont d’autres soucis que de mener des actions écologiques, surtout en pleine zone de conflits. Ainsi, le Mali n’a reboisé que 6 000 hectares de son territoire.

Certains mettent en cause également l’aspect technique de la réalisation. “Les grandes opérations de reforestation, qui coûtent cher et nécessitent d’importants besoins en main-d’œuvre, ne constituent qu’une réponse partielle et peu efficace face à la problématique multidimensionnelle qu’est la désertification”, estimait en 2018 Ronan Mugelé dans le bulletin de l’association de géographes français.

Recentrage

Désormais, la Grande muraille verte s’entend moins en termes de reforestation que de gestion durable des terres. Les critiques ont porté. Planter des arbres n’est pas une fin en soi, surtout qu’on ignore le taux de réussite de ces plantations. Désormais, on s’intéresse davantage à la gestion de l’eau, aux pratiques culturales, à la remise en culture de terres dégradées.

Le rapport pointe également une certaine dispersion des aides apportées. Les pays ont déclaré avoir reçu un total de 149 millions de dollars de financement extérieur, alors que les contributions individuelles des Etats membres déclarées s’élèvent à environ 53,4 millions. En clair, les Etats ont investi dans des programmes plus pertinents à leurs yeux que ceux concernant strictement la zone de la Grande muraille verte.

Financement

En 2015, lors des accords de Paris sur le climat, quatre milliards de dollars avaient été promis pour financer le projet. Aujourd’hui, on est bien loin du compte. Seulement 200 millions ont été mobilisés depuis le lancement du projet.

Plus grave, la Grande muraille verte semble manquer de pilotage. Chacun y va de sa subvention et les Etats bénéficiaires se plaignent de subir des choix d’actions qui leurs échappent. Le One Planet Summit entend rappeler aux donateurs leurs promesses.

Mais dans le contexte sécuritaire du moment, la priorité est clairement ailleurs pour la plupart des pays du Sahel. D’autant qu’il est difficile de mener à bien des projets dans des zones que ces Etats ne contrôlent plus ou presque.

Par Jacques Deveaux France Télévisions