25 avril 2024

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réforme des retraites, les travailleurs immigrés

Chez les travailleurs immigrés, "grands oubliés" de la réforme"

SOCIAL FRANCE : Les travailleurs immigrés, victimes oubliées de la réforme des retraites

En France, les immigrés sont-ils discriminés face à la retraite ? Les travailleurs immigrés sont les grands oubliés des discussions sur les conséquences de la nouvelle réforme des retraites. Alors qu’ils doivent déjà faire face à des pensions de retraites plus faibles que la moyenne, ils seront durement touchés par cette attaque d’ampleur.

S’il est déjà extrêmement compliqué pour les travailleurs sans-papiers ou récemment régularisés de toucher une retraite à taux plein dans le système actuel, la réforme du gouvernement qui repousse l’âge légal de départ à 64 ans et accélère l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans privera définitivement toute cette partie de la population de l’espoir d’accéder un jour à une retraite décente. Décryptage d’une réforme qui promet de précariser davantage ces travailleurs de l’ombre.

Des travailleur-ses aux carrières hachées qui peineront toujours plus à cumuler leurs annuités

Premiers embauchés dans les secteurs où la main d’œuvre se fait rare, les travailleurs étrangers sont aussi les premiers licenciés dans les périodes de crises. Cette situation les amène à avoir des carrières hachées ou incomplètes alternant des phases de travail et de chômage. En effet, les travailleurs étrangers et encore plus les femmes étrangères sont surreprésentées parmi les chômeurs du fait des discriminations à l’embauche avec un taux de chômage qui atteint les 15% (contre 7% dans la population française). Pour certains, leur arrivée tardive en France les empêche de cotiser dès le début de leur vie active et retarde de ce fait leur accès à la retraite dans le système actuel.

C’est le cas de Moussa, chibani de 67 ans, manutentionnaire à Geodis depuis 40 ans : « J’ai 67 ans, bientôt 68 ans. Quand j’ai commencé à bosser, j’étais jeune. Quand on est jeune on ne fait pas attention aux papiers, aux fiches de paie, etc… et ça ils nous le font payer. »

Par ailleurs, les difficultés auxquelles font face ces travailleurs pour renouveler leurs titres de séjour sont accentuées par la loi Asile et Immigration du gouvernement Macron qui réduit les conditions d’attribution du droit d’asile. Elle les force à alterner avec des périodes de travail non déclarées. Le système actuel fabrique donc des sans-papiers, plus facile à surexploiter par les patrons dans des emplois mal payés et aux conditions de travail difficiles.

« Plus tu acceptes les charges de travail supplémentaires, plus les patrons savent que tu es sans-papiers ».

Ibrahim, travailleur sans-papier témoignait en novembre dernier pour Révolution Permanente : « Pour savoir si tes papiers sont vraiment à toi ou pas, ils vont te demander toujours plus. Plus tu acceptes les charges de travail supplémentaires, plus les patrons savent que tu es sans-papiers ». Ces périodes durant lesquelles le patron profite allègrement d’une main d’œuvre à bas coût non déclarée ne sont évidemment pas prises en compte dans le calcul des annuités.

Dans ce cadre, l’accélération de l’application de la réforme Touraine, qui porte à 43 ans la durée de cotisation, va donc aggraver la situation de toutes celles et ceux pour qui ces périodes de travail hachées, qu’elles soient ponctuées de chômage ou d’absence de titres de séjour, comptent comme autant d’années « en moins » dans le cumul des annuités, réduisant les possibilités d’une ouverture des droits à la retraite sans décote pour les travailleurs étrangers.

De même, « le minimum retraite à 1200 euros » présenté comme la garantie d’une retraite digne pour toutes et tous, et dont le montant est déjà insuffisant pour vivre, ne concernera que les travailleurs ayant cotisé tous leurs trimestres avec un niveau de salaire n’ayant jamais dépassé le Smic. Déjà extrêmement restrictif, comme le révèle Mediapart, ce critère exclut de fait une grande partie des travailleurs étrangers qui peinent d’autant plus à cumuler les annuités nécessaires à un taux plein.

“Petite formation, petit salaire, petite cotisation. La retraite d’un immigré, par rapport à un travailleur français lambda, est en moyenne 50 % inférieure”, précise Omar Samaoli, auteur de “Retraite et vieillesse des immigrés en France”.

“Ce sont des gens qui ont une carrière en dents de scie, qui ont bricolé à droite à gauche, avec des périodes sans cotisation. Pour eux, la retraite c’est le moment qui incarne tous les problèmes qu’ils ont rencontrés” durant la vie professionnelle, poursuit le directeur de l’Observatoire gérontologique des migrations.

“Déni d’existence”

Résultat: parmi les assurés du régime général, 61 % des personnes en non-recours complet (ceux qui n’ont recouru à aucun régime de retraite) entre 70 et 90 ans sont des personnes nées à l’étranger, selon une étude de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) en 2021.

SOURCE MÉDIAS