La présidente (LR) de la région Île-de-France Valérie Pécresse en appelle à l’Etat pour trancher sur l’attribution du nom d’Angela Davis à un lycée de Saint-Denis, en raison de prises de position critiques sur la France prises par la militante Noire Américaine.
“Le nom d’Angela Davis ne fait pas consensus“, a déclaré Valérie Pécresse à la commission permanente du Conseil régional, qui doit délibérer sur cette nomination ce mercredi. La présidente de région a donc décidé “de retirer cette délibération et de saisir personnellement le ministre de l’Education nationale et le préfet de région au titre du contrôle de légalité pour analyser cette question“, a-t-elle expliqué.
“En attendant que l’Etat se prononce, je me retournerai vers la communauté éducative et le maire de Saint-Denis pour qu’on cherche un nouveau nom à cet établissement“, a ajouté Valérie Pécresse qui a compétence sur les lycées.
Angela Davis est née en 1944 aux Etats-Unis. Cette professeur de philosophie a milité pour les droits de l’Homme et contre les discriminations raciales, sociales et sexistes. Elle Membre des Black Panthers, elle s’est présentée à deux reprises à la vice-présidence des Etats-Unis.
Si “la quête de dignité et d’égalité est au cœur de l’engagement” de la militante des droits civiques, Angela Davis, figure de la lutte pour l’égalité des Noirs Américains, sa “conviction que le racisme est une affaire systémique” est une thèse qui “nourrit les replis communautaires et peut encourager la violence“, estime Mme Pécresse.
“Un certain nombre des prises de position récentes d’Angela Davis sur la France pose problème“, a ajouté l’élue de droite, visant notamment une tribune co-signée par l’universitaire en 2021.
Dans ce texte, des intellectuels du monde entier fustigeaient la “mentalité coloniale (qui) se manifeste dans les structures de gouvernance de la France, en particulier vis-à-vis des citoyens et des immigrés racisés, comme en témoignent des mesures comme la dissolution du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France)” ou encore “la loi contre le port du voile“.
De son côté, le maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin, a indiqué sur Twitter ce mardi qu’il n’y avait “aucune association ni de la mairie ni de la communauté éducative sur cette initiative de changement de dénomination.”

Le nom de “Rosa Parks” envisagé
Or pour Valérie Pécresse, “dans un lycée français, on doit apprendre à être fier de la France“. En mai 2018, 14 des 17 membres du conseil d’administration du lycée avaient approuvé le choix d’Angela Davis pour le nom de l’établissement, construit par la région et inauguré l’année précédente. Le maire de Saint-Denis de l’époque, Laurent Russier, avait validé ce choix.
Mais depuis, “la droite régionale a toujours, sous des prétextes fallacieux, refusé d’officialiser ce nom“, proteste le groupe d’opposition écologiste dans un communiqué.
Le groupe LR et apparentés a proposé dans un amendement de rebaptiser le lycée au nom de Rosa Parks, autre figure de la lutte contre le racisme aux Etats-Unis.
L’essentiel
Exceptées quelques grandes figures comme Rosa Parks ou Angela Davis, les femmes sont bien souvent estées dans l’ombre des luttes pour l’égalité raciale et la fierté noire. Pourtant, leur rôle fut déterminant.
Rosa Parks. La petite couturière de Montgomery dans l’Alabama qui, en refusant, un jour de décembre 1955, de céder son siège à un homme blanc, a lancé le mouvement des droits civiques. Elle est aujourd’hui honorée dans le monde entier. Son nom symbolise la capacité de l’action humaine individuelle de soulever des montagnes, même bâties sur des siècles de racisme et de discrimination. Figure féminine la plus connue du combat des Noirs américains pour la liberté et la justice, Rosa Parks est sans cesse renvoyée à cette image de femme africaine-américaine, fatiguée mais déterminée à ne plus se laisser faire, madone silencieuse d’un mouvement qui a permis l’émergence de celui qui allait conduire la communauté noire américaine sur la route de l’égalité : le providentiel Martin Luther King.
Certains, mieux informés, s’empressent de dire, quand on les interroge, que Rosa Parks n’était pas une simple cliente des autobus de Montgomery, mais qu’elle était depuis plusieurs années secrétaire de la section locale de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), la plus ancienne organisation de défense des droits civiques du pays, et que le boycott des autobus de la ville en réaction à son arrestation était planifié de longue date.

En ce 1er décembre 1955, dans un bus qui la ramène chez elle, Rosa Parks s’assoit sur l’une des places réservées aux passagers noirs. Le bus est divisé de telle sorte que les Blancs s’assoient à l’avant et les Noirs à l’arrière. Mais, comme cela arrive occasionnellement, le bus est rapidement plein. Deux personnes blanches se retrouvent debout. Le conducteur demande alors aux passagers noirs assis de laisser leur place. Ils sont pourtant dans la section qui leur est réservée. Cette demande est récurrente en cas d’affluence.
Rosa Parks refuse. Elle sait qu’en s’obstinant elle risque l’arrestation, la prison, et peut-être même une bavure policière Mais elle n’en peut plus.
« J’ai été bousculée toute ma vie et j’ai senti que je ne pouvais plus le supporter, écrira-t-elle plus tard pour expliquer son action. Lorsque j’ai demandé au policier pourquoi nous devions être ainsi humiliés, il m’a dit qu’il ne savait pas. “La loi, c’est la loi. Vous êtes en état d’arrestation.” Je n’ai pas résisté. »
Rien n’y fait. Malgré ces précisions, Rosa Parks reste définie par son geste de décembre 1955. Avec elle, c’est l’ensemble de la contribution des femmes noires américaines qui se trouve ramenée à cette aide digne et discrète, apportée à un mouvement orchestré par des hommes. D’ailleurs, mis à part Rosa Parks et la militante des Black Panthers Angela Davis, rares sont les femmes noires à être entrées dans la mémoire collective de cette période. Et cette invisibilité caractérisait aussi l’histoire dominante du mouvement noir jusqu’aux années 1990.
Pourtant, les Africaines-Américaines ont joué un rôle indispensable à la mobilisation de masse qui a secoué le Sud ségrégationniste à partir du milieu des années 1950 et qui était déjà à l’oeuvre dans les quartiers noirs des grandes villes du Nord et de l’Ouest depuis les années 1940. L’historien Charles Payne écrit que « les hommes dirigeaient mais les femmes organisaient ». L’exemple du boycott de Montgomery est à cet égard probant. Si Martin Luther King se met vite à occuper le devant de la scène politique et médiatique, le succès du boycott de 381 jours ne s’explique pas uniquement par les qualités rhétoriques du pasteur. Il est aussi et surtout dû à l’aménagement minutieux d’un système de covoiturage, en remplacement des autobus, par le Women’s Political Council, corporation locale de militantes noires dirigée par Jo Ann Robinson, à l’origine de l’idée du boycott, et à la ténacité des milliers de femmes noires de la classe ouvrière (les principales clientes des autobus) qui ont fait le choix de marcher des kilomètres pendant plus d’un an, plutôt que de subir un jour de plus les vexations racistes et sexistes des chauffeurs blancs.
L’oubli mémoriel dans lequel les femmes noires ont longtemps été cantonnées tient à deux facteurs liés : la tonalité masculine prise dès les premières manifestations du mouvement noir au moment de la Première Guerre mondiale (comme le New Negro) et la relégation des femmes à des tâches subalternes en son sein.
Depuis la mise en valeur des héros militaires et ouvriers noirs, le combat des Noirs américains pour une citoyenneté pleine et entière est présenté comme une reconquête de la virilité. Le développement de la NAACP, fer de lance du mouvement pour l’égalité juridique entre Noirs et Blancs, reflète la place délicate des femmes : composée d’avocats à une époque où la profession est presque exclusivement masculine, l’organisation ne laisse que peu de champ aux femmes comme d’ailleurs la majorité des mouvements politiques et d’opinion de l’époque.
SOURCE francetvinfo et histoire-en-questions
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