28 mars 2024

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Nigeria la mort du sanguinaire djihadiste Abubakar Shekau

Nigeria. La mort du sanguinaire djihadiste Abubakar Shekau ne règle rien

Le chef du groupe nigérian Boko Haram, célèbre depuis 2009 pour ses exactions contre les populations civiles, notamment les enlèvements massifs d’écoliers, a été tué par d’autres djihadistes devenus plus puissants que lui. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les autorités du Nigeria et les Occidentaux…

Abubakar Shekau est-il vraiment mort, le 18 mai, dans le nord-est du Nigeria ? Annoncée le 20 mai par différentes sources, le décès du chef du groupe nigérian Boko Haram a été confirmée par un autre groupe djihadiste, l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap, selon son acronyme usuel en anglais). Dans un message audio diffusé vendredi, le chef de l’Iswap, Abu Musab al-Barnawi a revendiqué l’attaque par ses hommes du bastion de Boko Haram, situé dans la forêt Sambisa, à l’issue de laquelle Shekau se serait suicidé plutôt que d’être pris.

Depuis douze ans que Shekau et son groupe ensanglantent le nord du Nigeria (36 000 morts et deux millions de déplacés), l’homme a été plusieurs fois annoncé mort… avant de réapparaître bien vivant et très moqueur dans des vidéos. Mais, à chaque fois, c’était l’armée nigériane qui prenait ses désirs pour la réalité. Elle s’était même ridiculisée en inventant l’existence de «sosies » ​de Shekau .

La revendication de l’Iswap est bien plus crédible. Même si le récit audio d’un Shekau « errant à travers la brousse pendant cinq jours » ​et choisissant « la honte du suicide »  ​(prohibé en islam) est sujet à caution, l’État islamique n’a pas pour habitude de mentir frontalement. Éventuellement de  « récupérer » des attentats de manière opportuniste.

Est-ce la fin de Boko Haram ?

L’avenir le dira, mais cela y ressemble beaucoup. Le groupe était depuis deux ans en perte de vitesse, cantonné autour de sa place forte de la Sambisa.

Au sommet de sa puissance en 2015, Abubakar Shekau contrôlait une bonne partie de l’État du Borno (nord-est) et débordait même sur le Tchad et le Cameroun voisins, au point de proclamer un émirat à Gowsa et de prêter allégeance au califat de l’État islamique, à l’époque lui aussi à son zénith en Syrie et en Irak.

Mais très vite, les relations entre les dirigeants syro-irakiens de l’EI et Boko Haram s’étaient dégradées. Abubakar Shekau était jugé « incontrôlable  »

et trop violent avec les populations civiles. Dès 2016, une scission du mouvement était apparue avec la création de l’État islamique en Afrique de l’Ouest que dirige aujourd’hui Abu Musab al-Barnawi.

L’histoire des deux hommes est intimement liée. Shekau, 52 ans, était l’ancien bras droit et le successeur de Mohamed Yusuf, le fondateur en 2002 de la secte salafiste, assassiné en 2009 par l’armée lors d’une terrible répression. Et Barnawi, de son vrai nom Habib Yusuf, 27 ans, n’est autre que le fils aîné du fondateur de Boko Haram.

Ironie de cette histoire, il aura fallu que les divergences entre les deux groupes djihadistes tournent à l’affrontement armé pour que tombe Shekau, alors que sa tête était mise à prix 7 millions de dollars par les États-Unis depuis des années et que les autorités du Nigeria ont dépensé encore bien davantage pour avoir sa peau.

L’État nigérian peut-il profiter de la fin de Boko Haram ?

Rien n’est moins sûr. La disparition de Shekau et possiblement de Boko Haram profite davantage à l’Iswap qui a déjà envoyé des émissaires auprès des petits groupes affiliés à Boko Haram, pour tenter de les rallier. Surtout, au contraire de Shekau qui avait basculé dans une violence aussi irrationnelle que les vidéos dans lesquelles il alternait éructations et éclats de rire, la stratégie de l’Iswap de Barnawi est tout ce qu’il y a de plus pensé.

Shekau massacrait tous ceux qui étaient soupçonnés d’un lien même ténu avec les autorités, se finançait en pratiquant la razzia des villages impies et les enlèvements de masse d’écoliers, libérés contre rançon. Barnawi, plus malin, tente de s’assurer la neutralité, voire le soutien des populations locales, imposant certes un impôt islamique dans les régions qu’il contrôle, mais en échange d’une forme de sécurité et d’ordre.

La décision d’attaquer la forêt de Sambisa et d’en finir avec Shekau serait d’ailleurs la conséquence de raids et pillages menés par Boko Haram dans des villages sous contrôle de l’Iswap, qui mettaient en péril sa stratégie d’apparaître comme une alternative aux autorités

Source ouest-france