29 mars 2024

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Une cellule du camp Boiro en Guinée

Guinée: 50 ans après les exécutions sommaires, des pas vers la reconnaissance des victimes

Triste souvenir que celui que les Guinéens ont commémoré ce lundi matin 18 octobre dans l’enceinte de l’ex-camp Boiro de Conakry. Là ont péri des milliers de personnes civils et militaires sous le régime de Sékou Touré. Des centaines de personnes se sont mobilisées pour ne pas oublier les exécutions intervenues dans ce camp militaire le 18 octobre 1971.

En Guinée, il y a cinquante ans, dans la nuit du 17 au 18 octobre 1971, sous le régime de Sékou Touré, 71 personnes détenues furent exécutées sans procès. Des exécutions sommaires nocturnes dans un contexte de répression. L’année 71 fut celle d’une véritable chasse aux sorcières menée contre ceux que Sékou Touré percevait comme des « ennemis de l’intérieur », la « cinquième colonne ». Des ministres et des hauts cadres furent tués cette nuit-là, tant à Conakry qu’un peu partout à l’intérieur du pays, notamment à Kindia et à Kankan, deux villes garnisons à l’ouest et à l’est du pays. Leurs corps n’ont jamais été identifiés.

Majoritairement vêtus de t-shirts rouges, synonymes de sang versé, les victimes et enfants des victimes ont commémoré les 50 ans de ces exécutions sommaires. De l’émotion, de la tristesse et des larmes… Les anciens pensionnaires du camp Boiro et les héritiers des victimes des années de plomb se sont retrouvés hier dans l’enceinte de ce tristement célèbre centre de détention. Dame Diariou Néné Kassé a fait partie des personnes arrêtées.

« J’ai été arrêtée en 1971. Malheureusement, pendant mon arrestation, j’étais enceinte, j’ai accouché en détention le 3 février 1972. Je suis restée pendant six ans et demi en prison. Jusqu’à aujourd’hui on cherche à être réhabilité, mais, malheureusement ça n’arrive toujours pas. »

Revendications

Dans une déclaration sur les lieux où ont été perpétrés les crimes, le président de l’association des victimes du camp Boiro, Abdoulaye Conté, a remercié les nouvelles autorités guinéennes. Selon lui, elles ont facilité cette cérémonie qui leur avait été interdite ces deux dernières années. Le Premier ministre guinéen Mohamed Béavogui représentait le chef de l’État, le colonel Mamadi Doumbouya. Le ministre secrétaire général de la présidence ainsi que le directeur de cabinet du président étaient également présents.

« Nous venons partager avec vous tous ce difficile moment qui est un moment à valoriser. Le plus important, c’est qu’on veut une Guinée nouvelle et cette Guinée nouvelle sera basée sur une seule chose, la réconciliation. La Guinée se fera avec tous les Guinéens ou elle ne se fera pas », a déclaré Mohamed Béavogui.

Pour l’ancien ministre Boubacar Barry, qui a perdu son père au camp Boiro, il appelle les autorités guinéennes à rendre justice pour permettre aux familles des victimes de faire leur deuil.

‘’C’est toujours avec beaucoup d’émotions qu’on commémore ces événements qui constituent une sorte de rappel à la mémoire collective sur ce qui s’est passé dans notre pays’’

Boubacar Barry assure que ‘’nous savons qu’après la mort, quel que soit ce qui se passe, on organise une cérémonie funèbre pour la dépouille mortelle. Mais jusqu’à présent, mon père, celui de Fodé Marega, celui de Baba Hady, d’Alfred Mathos et tant d’autres qui ont été de grandes personnalités dans ce pays, toutes ces personnalités sont jusqu’à présent dans de fosses communes. La République n’arrive toujours pas à traiter cette question ne serait-ce que sous l’angle moral et religieux’’.

Dans une déclaration sur les lieux où ont été perpétrés les crimes, le président de l’association des victimes du camp Boiro, Abdoulaye Conté, a remercié les nouvelles autorités guinéennes.

Abdoulaye Conté a formulé une série de revendications remises au Premier ministre : « La réhabilitation des différents camps de tortures, la sécurisation des charniers à travers le pays où son ensevelis nos parents, ainsi que la construction de sépultures dignes permettant aux familles de s’y recueillir, la restitution des biens saisis par le régime de Sékou Touré. »  

Source rfi