19 avril 2024

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Marie-Antoinette Katoto Kadidiatou Diani et Wendie Renard

le triple retrait des cadres Marie-Antoinette Katoto, Wendie Renard et Kadidiatou Diani(AFP)

Equipe de France Féminine : Retour sur six ans de tempête chez les Bleues

Les retraits, vendredi, de Wendie Renard, Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani s’ajoutent à une longue liste de divisions chez les Bleues depuis la prise de fonction de Corinne Diacre.

Depuis six ans, la vie de l’équipe de France n’est pas un long fleuve tranquille. Dernier épisode en date : le triple retrait des cadres Marie-Antoinette Katoto, Wendie Renard et Kadidiatou Diani, qui ont pointé vendredi 24 février “le management de l’équipe de France et les valeurs transmises“, et “le système actuel bien loin des exigences requises par le plus haut niveau.”

Trois jours après le dernier rassemblement des Bleues, et à cinq mois de la prochaine Coupe du monde, ce nouvel épisode de tensions vient s’ajouter à une longue liste de crises entre le vestiaire et Corinne Diacre, dont les méthodes sont de plus en plus ouvertement critiquées.

Wendie Renard et Corinne Diacre lors d’une conférence de presse, le 26 juillet 2022. (FRANCK FIFE / AFP)

La gardienne Sarah Bouhaddi dit stop

Il faut dire que dès sa prise de fonction en août 2017, la première femme entraîneure d’un club masculin professionnel (Clermont, de 2014 à 2017) a marqué les esprits en retirant le brassard de capitaine à Wendie Renard. “Tant que je serai en poste, Renard ne sera plus capitaine”, déclarait alors la sélectionneuse, sans justifier son choix. Elle changera finalement d’avis quatre ans plus tard, concédant “une bêtise”. “Parfois, il m’arrive de dire des bêtises. Je ne change pas mais j’évolue. Je suis toujours têtue malgré tout”, se justifie-t-elle.

Avec sa volonté de ne réserver aucun traitement de faveur, Corinne Diacre n’a depuis jamais fait dans la dentelle. En 2019, après l’élimination en quart de finale de la Coupe du monde en France, face aux Etats-Unis, elle avait ainsi vivement critiqué Eugénie Le Sommer en public, n’hésitant pas à rejeter la faute de cet échec sur les épaules de la meilleure buteuse de l’histoire des Bleues. 

L’année suivante, c’est la gardienne titulaire, Sarah Bouhaddi, qui avait été la première à s’en prendre ouvertement à Corinne Diacre. Dans une interview à OLTV, elle affirmait que “gagner un titre avec cette sélectionneuse” était “impossible”, annonçant mettre sa carrière internationale entre parenthèses. La gardienne ajoutait même : “Je pourrais mettre mes deux mains à couper que l’équipe de France ne gagnera pas l’Euro (en 2022) si Corinne Diacre reste en poste.” La suite lui a donné raison.

Henry et Le Sommer, des cadres mises de côté

Mais les cas les plus emblématiques restent ceux d’Eugénie Le Sommer et Amandine Henry, écartées depuis de longs mois. Après avoir été non sélectionnée à l’automne 2019, cette dernière s’était confiée à Canal+, sans mâcher ses mots : “Ce n’est pas beau à dire mais lorsque la sélection approche, et que tu vois ton nom sur la liste, il y a deux sentiments qui se mêlent, il y a la joie et il y a la crainte. (...) Quand elle m’a appelée, l’appel a duré 15 secondes. Je m’en souviendrai toute ma vie. Elle m’a dit ‘Amandine, la liste sort demain, tu n’y seras pas par rapport à tes performances actuelles’. Je reste sans voix deux secondes. Je lui ai dit ‘Ok, bon match, au revoir’. C’est tout. Si c’est un choix sportif, tu essaies de remobiliser ta joueuse, tu lui dis : ‘ne t’inquiète pas, ça va aller, tu vas revenir à ton meilleur niveau’. Mais là, cette discussion restera gravée dans mon cœur. Ça m’a fait mal, j’ai été vraiment touchée.”

Corinne Diacre (à gauche) et Amandine Henry lors d’une conférence de presse de l’équipe de France, le 6 juin 2019 à Paris. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Amandine Henry explique alors subir les conséquences d’une discussion entre “les Lyonnaises” et le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, à propos des méthodes de Diacre, notamment lors du Mondial 2019 : “Humainement, je voyais des filles pleurer dans leur chambre. Moi, ça m’est arrivé aussi, car j’avais envie de vivre cette Coupe du monde, mais c’était un chaos total.” A propos de cette brouille qui a gangrené le vestiaire de longs mois, Noël Le Graët n’a pas bronché en 2021 : “Elles peuvent se tirer les cheveux, ça m’est égal.”

Sauf qu’entre temps, les Bleues n’ont pas brillé à l’Euro, pour lequel Corinne Diacre avait choisi de se priver d’Eugénie Le Sommer. La sélectionneuse avait alors invoqué des raisons sportives, malgré la forme de la meilleure buteuse de l’histoire des Bleues, avec qui elle est brouillée depuis des années. Alors coach de l’Olympique lyonnais, Reynald Pedros témoignait : “C’est une relation très compliquée entre les joueuses et la sélectionneuse. Je récupérais les joueuses psychologiquement très affectées. Il fallait à chaque fois discuter, les remettre bien.”

«Elles vont en équipe de France par obligation, pas par plaisir. Elles vont en équipe de France avec la boule au ventre.» Reynald Pedros

Souvent interrogée sur ces multiples accrochages, Corinne Diacre, toujours soutenue par le président de la fédération, dénonce quant à elle une meute de frondeuses. Malgré l’ambiance délétère, elle est prolongée à son poste à plusieurs reprises. Elle tente plusieurs fois de calmer le jeu, notamment en redonnant le brassard de capitaine à Wendie Renard, ou en rappelant Amandine Henry ponctuellement. 

Ces tensions et le palmarès toujours vierge de l’équipe de France n’ont toutefois pas écorné l’image de la sélectionneuse aux yeux de la FFF, qui l’a prolongée jusqu’en 2024, soit après la Coupe du monde 2023 et les Jeux olympiques de Paris. Mais Noël Le Graët étant sur la sellette, les prises de position de Wendie Renard, Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani pourraient rebattre les cartes, à cinq mois du Mondial, et après de nombreuses années de crise larvée.

SOURCE franceinfo: sport