Usine de la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) à Kamsar, ville située au nord-ouest de la capitale Conakry, en octobre 2008. GEORGES GOBET / AFP

En Guinée, la junte fait pression sur les compagnies minières qui exploitent la bauxite

Le colonel Doumbouya a donné aux entreprises jusqu’à fin mai pour soumettre des propositions et un calendrier pour la construction de raffineries de bauxite.

Le chef de la junte au pouvoir en Guinée, le colonel Mamady Doumbouya, a mis en demeure les compagnies minières étrangères de construire sur place des usines de transformation de la bauxite pour un partage équitable des revenus.

Le colonel Doumbouya a donné aux entreprises jusqu’à fin mai pour soumettre des propositions et un calendrier pour la construction de raffineries de bauxite, montre sur la page Facebook de la présidence la vidéo d’une rencontre qui a eu lieu vendredi 8 avril avec les représentants des compagnies.

Avec une estimation de 7,4 milliards de tonnes, la Guinée possède les plus importantes réserves mondiales de bauxite, minerai entrant dans la fabrication de l’aluminium, essentiel par exemple dans les industries automobile ou alimentaire. Elle en est aussi le deuxième producteur. La Chine importe de Guinée environ la moitié de ses besoins de bauxite.

Chargement des cargos navires au terminal d’exportation maritime de bauxite du port de Conakry, en Guinée, le 8 avril 2017. PIERRE GLEIZES/REA

Cependant, les retombées en Guinée de l’extraction de la bauxite ou des autres abondantes ressources naturelles comme le fer, l’or et le diamant restent notoirement disproportionnées. Les experts invoquent l’insuffisance des investissements dans le développement d’un tissu économique local, le manque d’infrastructures primordiales comme les routes, une corruption réputée endémique ou encore les lacunes des textes en vigueur.

Non-respect des conventions

Malgré ses richesses naturelles, la Guinée reste l’un des pays les plus pauvres du monde. « En dépit du boom minier du secteur bauxitique, force est de constater que les revenus escomptés sont en deçà des attentes, vous et nous ne pouvons plus continuer à ce jeu de dupes qui perpétue une grande inégalité dans nos relations », a précisé le colonel Doumbouya aux industriels.

Des compagnies comme la Société minière de Boké (SMB, consortium formé par l’armateur singapourien Winning Shipping, le producteur chinois d’aluminium Shandong Weiqiao et le groupe Yantaï Port), la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG, détenu à 49 % par l’Etat guinéen et à 51 % par Halco Mining Inc, un consortium formé par l’américain Alcoa, l’anglo-australien Rio Tinto-Alcan et Dadco Investments) et le russe Rusal, opèrent dans le secteur.

Le colonel Doumbouya avait invité les représentants d’une dizaine de compagnies, dont six au moins ont répondu présent. Toutes ces compagnies étaient tenues par les conventions avec l’Etat guinéen, depuis 1983 pour l’une d’elles (CBG), de construire des raffineries, a souligné le ministre des mines Moussa Magassouba. Le chinois TBEA est même censé construire une fonderie d’aluminium, a-t-il rappelé.

Certaines de ces compagnies n’ont même pas produit d’étude de faisabilité, a-t-il déclaré. Les conventions sont restées « lettre morte », a renchéri le colonel Doumbouya. Le non-respect de ces conventions est une « cause de nullité » et leur application est « non négociable » pour le gouvernement, a-t-il martelé. La transformation sur place du minerai « devient incontournable, c’est un impératif et sans délais », a-t-il souligné.

Des intérêts nationaux à préserver

Avant fin mai, « je vous demande de revenir auprès du ministre des mines et de la géologie avec des propositions, un projet, un chronogramme [calendrier] précis de construction de raffineries d’alumine en République de Guinée », a-t-il déclaré.

Toutes les matières premières entrant dans la fabrication devront également être produites sur place, a-t-il insisté. Les compagnies qui enfreindraient les délais de construction de raffineries seraient sanctionnées de pénalités, a-t-il prévenu.

Le colonel Doumbouya, avait ordonné la cessation de toute activité sur le site de l’immense gisement de fer de Simandou pour réclamer que les intérêts nationaux soient préservés par ses exploitants étrangers, dont la SMB et Rio Tinto. Un accord-cadre de 15 milliards de dollars a depuis été signé fin mars entre l’Etat guinéen et les exploitants pour un codéveloppement du gisement.

Le Monde et AFP