25 avril 2024

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Blaise Pascal Un génie précoce et tourmenté

Blaise Pascal (1623 – 1662): Un génie précoce et tourmenté

Blaise Pascal est une météorite dans l’Histoire de la pensée. Mort d’épuisement et de maladie à seulement 39 ans, il laisse une oeuvre prodigieusement féconde tant dans le domaine des sciences que dans celui de la philosophie.

Il a enrichi les lettres françaises avec des écrits spirituels et mystiques aux antipodes des préoccupations contemporaines. C’est aussi un éminent représentant du Grand Siècle des Sciences.

Un enfant surdoué

Né dans la famille d’un conseiller à la cour des aides de Clermont (aujourd’hui Clermont-Ferrand), en Auvergne, Blaise est éduqué par son père dans l’esprit de Montaigne et de Rabelais.

Curieux des sciences et des mathématiques, il écrit à onze ans un Traité des sons puis passe à la géométrie d’Euclide. À seize ans, un essai le fait remarquer par la communauté des savants.

Esprit pratique, éloigné en cela de son aîné Descartes, Pascal met au point une machine à calculer, la « pascaline ». Il lancera aussi plus tard la première ligne au monde de transports en commun à Paris, investissant dans ce projet ses dernières forces et sa fortune !

À 23 ans, l’âge où le commun des mortels se passionne pour l’autre sexe, Blaise Pascal se tourne vers la religion et, avec sa soeur Jacqueline, découvre les écrits de l’abbé de Saint-Cyran, directeur de conscience de Port-Royal et promoteur des idées de Jansénius. Il effectue sa « première conversion ».

Dans le même temps, il multiplie les travaux de recherche et s’intéresse au vide. En scientifique averti et précautionneux, il reproduit l’expérience de Torricelli, un savant italien inventeur du baromètre à mercure (1608-1647).

Le 19 septembre 1648, au sommet du Puy de Dôme, dans une totale indifférence aux troubles de la Fronde qui agitent la capitale, il apporte avec son beau-frère la preuve de l’existence du vide et de la pesanteur en montrant que le niveau de mercure dans un thermomètre de Torricelli descend à mesure que l’altitude augmente. L’impact ultérieur de cette expérience sera tel que Pascal deviendra comme son cadet Isaac Newton une unité de mesure. Un Pascal représente un Newton par mètre carré : 1Pa =1 N.m(-2).

Pascal rencontre Descartes mais les deux esprits sont trop différents pour pouvoir dialoguer utilement. Le premier est mystique et pratique, le second très abstrait et plus ou moins agnostique.

Quelques années plus tard, il correspond avec un autre génie de son temps, Pierre de Fermat. De leurs entretiens, il tire les bases d’une nouvelle discipline mathématique : les probabilités. À l’aube du XVIIIe siècle, le philosophe allemand  Leibniz allait reprendre ses travaux et les mener à leur terme.

Entre science et mysticisme

Blaise Pascal est troublé lorsque sa soeur entre à Port-Royal, en 1652. En réaction, il fréquente les salons comme celui de Madame d’Aiguillon, nièce de feu le cardinal Richelieu. Il est tenté d’entrer dans le « monde » et de se marier, bref, de se ranger.

Tout change dans la nuit du 23 novembre 1654. Le jeune homme (31 ans) éprouve dans sa chambre une violente expérience mystique. Nous en avons connaissance à travers un billet que l’on retrouvera plié dans son pourpoint après sa mort : le Mémorial.

« Feu, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants », écrit-il, « Certitude. Sentiment, joie, paix. Dieu de Jésus-Christ… Oubli du monde et de tout, hormis Dieu… »

Le savant se rapproche dès lors de sa soeur et des jansénistes de Port-Royal. Il renonce presque entièrement aux sciences et se consacre à la réflexion théologique.

Participant à la querelle des jansénistes et des jésuites, qui rappelle en plus violent les débats contemporains entre intégristes et modérés, il publie un célèbre pamphlet, les Provinciales, où il défend la rigueur de Port-Royal et ridiculise les Jésuites et leur souci d’accommodement avec les réalités humaines.

Affaibli par la maladie, il jette toutes ses forces dans un projet d’ouvrage théologique qui n’aboutira pas mais dont il nous reste un recueil de notes, les Pensées.

Il ambitionne de ramener les « libertins », autrement dit les gens du monde, à la foi catholique dans toute sa pureté et développe pour cela l’argument du pari, resté fameux : « Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant choix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. »

Un inventeur tous azimuts

En marge de ses activités intellectuelles, Blaise Pascal trouve le temps d’ouvrir à Paris le 18 mars 1662, quelques mois avant sa mort, le premier réseau de transport en commun du monde, avec cinq lignes de « carrosses à cinq sols ». L’expérience perdurera quinze ans et il faudra attendre un siècle et demi avant qu’elle soit reprise à Nantes par Stanislas Baudry…

Par Alban Dignat Historien