28 mars 2024

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A frique un continent convoité

Un continent convoité : L'intérêt pour l'Afrique est inspiré par la curiosité des géographes et du roi des Belges Léopold II.

Afrique la parenthèse coloniale (1880-1960)

Dès la fin du Moyen Âge, des commerçants et des aventurieurs européens explorent le littoral africain et fondent quelques modestes comptoirs. Il faut attendre quatre siècles pour qu’ils s’aventurent à l’intérieur du continent.

À partir des années 1870, les grandes puissances européennes prennent le relais des explorateurs, des commerçants… et des négriers. Mues par des ambitions politiques et des considérations idéologiques, elles s’engagent dans la « course au drapeau ». C’est ainsi que l’Afrique noire fait l’objet d’un partage au cordeau au congrès de Berlin en 1885.

Il s’ensuit ce qu’il est convenu d’appeler la colonisation de l’Afrique, en référence à un concept gréco-romain . L’expérience va durer seulement six à huit décennies mais déboucher sur la constitution d’une cinquantaine d’États calqués sur le modèle européen, en rupture avec le passé de l’Afrique…

Un continent convoité

L’intérêt pour l’Afrique est inspiré par la curiosité des géographes et du roi des Belges Léopold II. En 1876, il ouvre à Bruxelles une conférence de géographie en vue d’« ouvrir à la civilisation la seule partie de notre globe où elle n’a pas encore pénétré » et de lutter contre la traite des Noirs par les musulmans.

Puis il engage sa fortune dans la constitution d’un État au cœur de l’Afrique dont il sera pleinement le souverain. 

Ses prétentions agacent les puissances établies. Habilement, le chancelier allemand Bismarck s’entremet et propose une conférence internationale sur le sujet. Débordant le cadre du seul Congo, la Conférence de Berlin de 1885 projette le partage au cordeau de l’Afrique subsaharienne, considérée comme une terre sans maître (« terra nullius »).

C’est pour les États européens le début de la « course au drapeau ». Celle-ci n’a d’autre motivation que politique car l’Afrique est une friche dont on ne connaît encore rien (l’or du Transvaal n’a pas encore été découvert).

Les républicains au pouvoir à Paris depuis 1870 voient la colonisation comme une revanche sur la défaite de Sedan et la perte de l’Alsace-Lorraine.

Afrique la mission Congo-Nil du capitainbe Marchand

Sous l’égide de Jules Ferry et de ses successeurs, la République française se lance à corps perdu dans la conquête des dernières terres insoumises du globe (Indochine, Afrique noire, Tunisie…), prenant même pour cela le risque d’entrer en guerre contre l’Angleterre (Fachoda) ou l’Allemagne (Tanger).

Au demeurant, la conquête du continent africain se révèle peu coûteuse en dépit de résistances locales bien réelles même si elle donne lieu à des crimes de guerre comme ceux de la colonne Voulet-Chanoine.

Les pertes africaines s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers de personnes (combats, mauvais traitements…). Beaucoup plus nombreuses sont les victimes du travail forcé, en particulier dans le Congo belge et en Afrique équatoriale française.

Le système colonial

À la fin du XIXe siècle et jusqu’à la veille de la Grande Guerre, au début du siècle suivant, commence donc pour de bon la colonisation de l’intérieur du continent. Les Européens constituent des « colonies » ou des protectorats. Ils tracent des frontières et installent un semblant d’administration.

Afrique la civilisation au Congo 1884

Dans son « État indépendant du Congo », le roi des Belges laisse la bride sur le cou à ses commis et aux entrepreneurs privés, des bandits prêts à tous les crimes pour satisfaire la demande occidentale en caoutchouc et « rentabiliser » la colonie, ce à quoi il parvient après 1898, grâce à la flambée des cours du caoutchouc naturel du fait de la demande de pneumatiques pour l’automobile. Son « exemple » inspire les affairistes de l’Afrique équatoriale française  qui multiplient les exactions et les crimes avec le soutien tacite des autorités locales 

Ces excès suscitent l’indignation en Europe et aux États-Unis, jusqu’à ce qu’en 1908, le gouvernement belge reprenne la colonie et y mette fin. Côté français, Savorgnan de Brazza et plus tard l’écrivain André Gide (Voyage au Congo, 1927) dénoncent également ces crimes auprès de l’opinion et des autorités.

Pour le reste, les Britanniques et les Portugais s’efforcent d’attirer des fermiers blancs sur les plateaux fertiles de leurs colonies. Ils y réussissent assez bien, en particulier au Kenya et dans les Rhodésies, ainsi qu’en Angola, autour de Houambo.

Du fait d’une natalité insuffisante, la France ne peut quant à elle envisager de peupler ses colonies. Elle se contente d’offrir à ses entreprises des avantages douaniers dans le commerce avec les colonies. Elle multiplie aussi les infrastructures (ports, routes, voies ferrées) et pour cela impose aux indigènes le travail forcé, une forme de corvée inspirée de l’Ancien Régime. Il faudra attendre 1946 pour qu’il soit aboli à l’initiative du ministre Félix Houphouët-Boigny.

Missionnaires, enseignants et médecins font de leur côté assaut de bienveillance auprès des populations locales, tels le missionnaire écossais David Livingstone ou le légendaire docteur Albert Schweitzer (1875-1965), fondateur d’un hôpital à Lambaréné (Gabon). Inspirés par la pensée de Jules Ferry (« civiliser les races inférieures », 1885), mûs par le goût de l’aventure et de l’exotisme, ils veulent sincèrement faire le bonheur des Africains sans se préoccuper de leur avis, tout comme les ONG d’aujourd’hui.

Afrique ils veulent sincèrement faire le bonheur des Africains sans se préoccuper de leur avis, tout comme les ONG d’aujourd’hui

Quoi qu’il en soit, la colonisation demeure l’apanage d’un cercle étroit de gouvernants et de fonctionnaires, portés par l’ambition d’une « plus grande France ». Ces « colonistes », au premier rang desquels figure Jules Ferry, agitent la promesse d’immenses profits en retour.

Quand se profilent les indépendances de l’Afrique noire, au bout d’à peine un demi-siècle d’active présence coloniale, les Européens peuvent se targuer d’avoir jeté les bases de l’urbanisation et d’une économie moderne au sud du Sahara (infrastructures, administrations, écoles, hôpitaux…). Mais la déconfiture des États africains après les indépendances des années 1960 montre l’extrême fragilité de ces réalisations et les profits promis par les partisans de la colonisation ne sont eux-mêmes jamais venus…

Par André Larané i a publié chez Flammarion plusieurs manuels d’Histoire, régulièrement réédités